[Abandonné] Hello, Dally !

Dunwatch était au bord de la mer. Il en avait la certitude, maintenant qu’il se tenait là, sur la falaise, à regarder les vagues monter pour l’atteindre et l’éclabousser d’écume, ou d’embrun, ou de bruine. A moins qu’il ne pleuve réellement, peut-être, en cette fin de mois d’Août qui ne semblait même pas disposé à lui offrir un véritable orage.

Il adorait l’orage.

Ca sentait le fer et le danger, et la guerre.

Là, il faisait juste humide et salé, comme toujours en Ecosse, sans même un rayon de soleil pour lui faire espérer un arc-en-ciel. Son seul réconfort était la mer, grise et mouvante, qui s’étendait à ses pieds pour faire tapis devant ses yeux. Derrière lui, il le savait, une autre étendue l’attendait, verte celle-ci avec juste quelques pointes de pierre pour faire rappel. La brume matinale avait donné à toute la scène des airs de tableau. Elle s’était dissipée à présent. Il était temps de commencer à se demander quelle heure il était. Depuis combien de temps il se trouvait là. Et puis une goutte joua avec un épi, tombant sur son nez, et il oublia totalement ces considérations. Il préféra penser à l’eau, puis à la pierre, puis au château. C’était un bon sujet de rêverie, le château. Même s’il n’était pas magique.

Mais qui savait, avec ces vieilles bâtisses. Il y avait sûrement un ou deux fantômes qui se traînaient là. Des portes dérobées et des souterrains, ça c’était certain. Il chercherait cette nuit. A l’occasion. Quand les yeux du surveillant ne seraient plus là. Quand il aurait le droit. Il s’était promit d’être réglo dans ce lycée là. Pour ne plus qu’on lui retire la mer des yeux.

C’était dingue, quand on y pensait, la différence entre le gris béton et le gris de la pierre. Le même mot, la même nuance peut-être et pourtant ça n’avait rien à voir. Non. Il n’avait pas envie qu’on le renvoie. Il était très heureux ici. Surtout maintenant, dans cette fin de vacance qui avait le goût de la rentrée, sans les chaînes de l’emploi du temps.

En y réfléchissant, il n’était pas bien certain d’avoir le droit d’être là. Peut-être qu’on le cherchait. Il n’avait rien dit à personne ce matin. Il s’était juste faufilé au levé du jour pour essayer d’attraper le soleil au bout de la lande. Il avait perdu, la brume s’était faufilée entre lui et son but  mais il réessaierait demain. Plus tôt. Au risque (ou à la chance) de croiser des feux follets. N’empêche, ça devait être l’heure du déjeuner bientôt,  peut-être, s’il en croyait son estomac. Quel dommage qu’on ne puisse pas se nourrir de rêves. Quel dommage qu’il soit seul aussi, les pieds dans les flaques. A cette heure là, c’était sûr, rien de magique n’allait se passer. Le bruit des mortels ne changeraient rien à la vie du Petit Peuple.

Il allait falloir qu’il rentre. Il allait rentrer. Bientôt. Son pull perlait d’humidité. Il serait bientôt mouillé comme il se doit. Il n’attendait qu’un signe. Un symbole dans les nuages, une brise portant un message, un dessin dans l’écume…il n’était pas difficile.

Tout d'un coup, une voix perça la bulle de silence sauvage qui entourait Mairsil.

"Mais bon sang, vous compter rester longtemps comme ça? Vous allez attraper la mort! Et rater le déjeuner en plus!"

Au ton de la nouvelle venue, il était complexe de déterminer le plus grave dans l'histoire...

Dally avait vu le jeune homme se glisser dehors au petit matin sans y faire plus attention que ça. Elle avait juste supposé qu'il aimait les ballades pour se réveiller. Elle avait un cousin qui faisait ça. Il marchait au réveil.

Puis elle ne l'avait pas vu au premier cours. Mais ce n'était pas dramatique non plus. Elle n'était pas la mère de ce type, elle ne devait pas s'en faire sous le simple prétexte qu'elle l'avait vu partir ce matin, hein?

Et puis les cours de la matinée avaient fini et la petite rousse avait soudainement été persuadée que ce type était mort quelque part au fond d'un ravin. Elle avait donc pris son manteau, un sac avec une couverture tassée dedans, des gâteaux (des madeleines au miel maison) et un thermos de chocolat chaud. Elle avait aussi un téléphone mobile et était partit à la chasse au Mairsil.

Heureusement, le chemin qu'il avait suivi était plutôt clair et finalement, enfin, l'écossaise remit la main sur le fuyard. C'était le soulagement qui lui avait laissé échapper cette réplique idiote. . Puis elle sortit de son sac la couverture et enveloppa son camarade dedans. Autrement dit, et étant donné les trente centimètres de haut qui les séparaient, elle la jeta sur les épaules du brun.

Une voix perça sa bulle avec la cruauté d'une aiguille dans un ballon d'hélium. Le rêve s'échappant dans un sifflet d'agonie. Il sursauta et regarda dans la direction du bruit. Une petite femme le fusillait du regard. Il aurait juré qu'elle avait les mains sur les hanches. Si elle ne les avait pas, alors son ton les suggérait. Il se sentit rougir, baissant les yeux sur ses chaussures, continuant à la regarder par dessous.

Avec ses yeux verts et ses cheveux roux et son visage poupin, on aurait dit une représentante du petit peuple, juste un peu trop grande. Le genre qui vit dans les trous reste proche de la nature. Ceux qui aiment la vie. Et l'or. Et qui sont fier de leur origine. N'était-ce pas un bout de tartan qu'il apercevait vers le haut ? Il ne savait pas les lire mais ça y ressemblait furieusement.

Cependant, au lieu de continuer à crier ou de lui jeter une malédiction voire de le pousser dans la mer, la fille lui mit une couverture sur les épaules, l'embrouillant plus encore. Comme il était poli, il remit bien le tissu sur ses épaules, baissant encore plus la tête au cas où elle n'aurait pas fini. Il ne fallait jamais contrarier une femme qui faisait la morale, surtout si elle était potentiellement une géante du petit peuple. Qu'est ce qu'elle avait dit déjà ? Quelque chose à propos du déjeuner...

« … euh... »

Ah bah bravo. Toute une vie à chercher le peuple des fées et tout ce qu'il arrivait à sortir en le voyant c'était une gargarisme barbare. Il releva la tête et puis dos pour la regarder. Evidemment la couverture glissa mais il réussit à la rattraper avant qu'elle ne tombe dans la boue et à la remettre sur ses épaules de façon à peu près...stable, disons. En la regardant pour de vrai, il l'avait déjà vue pour de vrai. Au château. Elle n'était donc pas magique. Que feraient des mages dans une école pour ados paumés, hein.

« Dally, c'est ça ? »

Il se passa la main dans les cheveux, la bouche sèche de déception mais aussi un peu de gêne et de honte, comme si elle l'avait surprit à faire un truc pas net comme visionner des vidéos louches sur un ordinateur. Il était déçu par son signe. Même si s'en était un, ça, il n'en doutait pas. Un rappel de la réalité. Youpi.

« Euh...on t'a envoyée me chercher ? J'vais avoir des ennuis c'est ça ? Quelle heure il est ? »

Son ventre grogna, rappelant que l'histoire du déjeuner n'était probablement pas un mensonge. Peut-être qu'il l'avait raté. Déjà qu'il avait sauté le Repas des Rois... et puis les cours. Myddryn les cours quoi. Pourquoi n'avait-il pas pensé aux cours ? Et qu'est ce qu'elle faisait là s'ils n'y avaient pas le droit ?

« Tu ne vas pas t'attirer des ennuis aussi...pas pour moi quand même, si ? »

Il déglutit

« Qu'est ce que tu disais déjà ? »