Bon appétit !
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Bon appétit !
Dimanche 24 août 2014
La fin de matinée. Certains auraient peut-être trouvé que c’était le bon moment pour prendre le petit déjeuner, mais Annabel n’était pas du genre à paresser au lit. Les premières heures du jour étaient les meilleures pour observer les animaux sauvages, c’était bien connu, et la jeune femme ne les auraient donc manqué pour rien au monde. Après tout, tant que la rentrée n’avait pas eu lieu, elle était libre d’utiliser ses matinées comme elle le souhaitait. Il lui suffisait donc de s’armer d’une paire de jumelles pour aller épier les oiseaux du coin – principalement des espèces marines – et de glisser une loupe dans sa poche avec son appareil photo et un carnet de croquis pour détailler les plus petites fleurs qui lui tombaient sous la main une fois le soleil trop lumineux pour l’étude des oiseaux. Enfin, lumineux, tout restait relatif. En tout cas, il faisait suffisamment beau pour qu’Annabel s’attarde un peu dans la campagne au lieu de rentrer potasser ce qu’elle allait devoir enseigner à ses élèves dans quelques jours.
Elle ne s’était toutefois pas laissée entraîner par son enthousiasme au point d’oublier l’heure et était donc rentrée à temps pour aider sa tante à la préparation du déjeuner. Du moins, dans la mesure de ses moyens, c’est-à-dire en mettant le couvert et en vérifiant que tout était en ordre dans la salle à manger. Rien que de s’approcher de la porte de la cuisine risquait de causer une catastrophe. Et, même si la fin des vacances avait vidé toutes les chambres du Prim’House, il n’était pas impossible que quelques clients viennent prendre leur déjeuner. C’était même souhaitable. Faire brûler le repas, faire rater une sauce à Kelly ou tout autre incident n’était donc pas vraiment recommandé, surtout que, si ce n’était pas tout à fait l’heure, on était suffisamment proche pour ne pas avoir le temps de revoir le menu du jour.
Vêtue du même jean qui lui avait permis de regarder les oiseaux et les plantes, mais les cheveux vaguement attachés et les mains propres – bien propres – Annabel réalignait la dernière fourchette à la gauche de la dernière assiette quand la cloche annonçant l’ouverture de la porte résonna. Pivotant sur elle-même, la biologiste offrit un sourire d’autant plus lumineux au nouvel arrivant qu’elle le reconnut sans peine.
« Bonjour Monsieur Culánn ! »
Ils n’étaient pas dans l’enceinte du château et c’était encore les vacances. Techniquement, il n’était donc pas nécessaire de lui donner du « Monsieur le Directeur ». Pas plus qu’elle n’était « Docteur » ou « Professeur » au village.
La fin de matinée. Certains auraient peut-être trouvé que c’était le bon moment pour prendre le petit déjeuner, mais Annabel n’était pas du genre à paresser au lit. Les premières heures du jour étaient les meilleures pour observer les animaux sauvages, c’était bien connu, et la jeune femme ne les auraient donc manqué pour rien au monde. Après tout, tant que la rentrée n’avait pas eu lieu, elle était libre d’utiliser ses matinées comme elle le souhaitait. Il lui suffisait donc de s’armer d’une paire de jumelles pour aller épier les oiseaux du coin – principalement des espèces marines – et de glisser une loupe dans sa poche avec son appareil photo et un carnet de croquis pour détailler les plus petites fleurs qui lui tombaient sous la main une fois le soleil trop lumineux pour l’étude des oiseaux. Enfin, lumineux, tout restait relatif. En tout cas, il faisait suffisamment beau pour qu’Annabel s’attarde un peu dans la campagne au lieu de rentrer potasser ce qu’elle allait devoir enseigner à ses élèves dans quelques jours.
Elle ne s’était toutefois pas laissée entraîner par son enthousiasme au point d’oublier l’heure et était donc rentrée à temps pour aider sa tante à la préparation du déjeuner. Du moins, dans la mesure de ses moyens, c’est-à-dire en mettant le couvert et en vérifiant que tout était en ordre dans la salle à manger. Rien que de s’approcher de la porte de la cuisine risquait de causer une catastrophe. Et, même si la fin des vacances avait vidé toutes les chambres du Prim’House, il n’était pas impossible que quelques clients viennent prendre leur déjeuner. C’était même souhaitable. Faire brûler le repas, faire rater une sauce à Kelly ou tout autre incident n’était donc pas vraiment recommandé, surtout que, si ce n’était pas tout à fait l’heure, on était suffisamment proche pour ne pas avoir le temps de revoir le menu du jour.
Vêtue du même jean qui lui avait permis de regarder les oiseaux et les plantes, mais les cheveux vaguement attachés et les mains propres – bien propres – Annabel réalignait la dernière fourchette à la gauche de la dernière assiette quand la cloche annonçant l’ouverture de la porte résonna. Pivotant sur elle-même, la biologiste offrit un sourire d’autant plus lumineux au nouvel arrivant qu’elle le reconnut sans peine.
« Bonjour Monsieur Culánn ! »
Ils n’étaient pas dans l’enceinte du château et c’était encore les vacances. Techniquement, il n’était donc pas nécessaire de lui donner du « Monsieur le Directeur ». Pas plus qu’elle n’était « Docteur » ou « Professeur » au village.
Dernière édition par Annabel Primrose le Jeu 20 Mar - 12:23, édité 1 fois
Re: Bon appétit !
Le château commençait à se remplir, ce qui était à la fois source de joie et d’un prodigieux agacement. Trop de monde, trop de monde tout le temps. Ils devaient marcher sur des œufs tous les deux, se synchroniser parfois à la seconde pour pouvoir faire tout ce que pouvaient faire deux hommes déterminés mais en continuant à passer pour un seul.
Il avait été le Directeur ce matin. Il avait veillé à l’installation du personnel et au fait que celui-ci veillait à celui des internes. Il avait fait du café dans le bureau administratif, étudié les derniers dossiers, pris en compte les permis et les plaintes des villageois, lissé les plannings, mangé son petit-déjeuner en six fois, bu plus de café qu’il n’était raisonnable et regretté plusieurs fois ce choix stupide qu’ils avaient fait de transformer la maison en volière à oiseaux. Et puis il avait vu des jeunes faire de la magie, cachés dans un buisson, et il s’était félicité de ce merveilleux choix qu’ils avaient fait de transformer la maison en volière à oiseaux.
Dans le désordre, toujours, la matinée touchait à sa fin. Il repoussa le dernier papier de sa liste du jour, regarda l’heure et soupira. Il était temps de faire un tour.
Il se leva, vérifia dans le miroir que son costume tombait parfaitement, lissant ses cheveux derrière ses oreilles. Ses chaussures ne reflétaient pas encore totalement la lumière du jour, il faudrait qu’il les cire. Il faisait chaud et sa visite n’était pas officielle, il enleva sa veste, dégageant son cou de quelques boutons. Il hésita sur l’utilisation ou non de lunettes. Décida de les garder. Son but ? Convaincre le village qu’il n’était qu’un gentil patriote souhaitant remplir la région de rire d’enfants. Et, en quête annexe, ramener un nouvel oiseau dans la volière. Une gentille petite mortelle qu’il avait lui-même engagée et qu’il n’était pas contre connaître un petit peu mieux. Son frère avait besoin d’une femme. Avec un caractère assez fort pour le supporter. Et assez de bon sens pour lui faire comprendre quand il devait s’arrêter. Elle était mortelle. Mais elle ferait peut-être l’affaire.
Il descendit la route, tranquillement, saluant qui le saluait, et souriant d’autant plus à qui ne le saluait pas. C’était une belle journée et, sur le chemin entre le Château et le Prim’house, il ne fut arrêté que cinq fois, dont seulement une plainte sur un vol de bonbon qui venait certainement des délinquants de « chez vous ». Ne désirant pas perdre trop de temps, il paya le plaignant, s’amusant de l’insulte déguisée et bavarda aimablement avec les autres. Il entra. Accueilli par un sourire encore plus lumineux que la météo du midi.
« Bonjour Miss Primrose. Puis-je vous emprunter quelques minutes ? Ou pousser le vice jusqu’à vous proposer d’accompagner mon repas ? »
Il sourit, tranquille, amusé presque, attentif à ces expressions, essayant de savoir si cette sympathie, cet enthousiasme qu’il avait senti dans le salut lui était adressé, à lui, à eux, ou si c’était une façade, offerte à tout le monde. Les deux options avaient leur ironie. Et aucune ne l’empêcherait d’atteindre son but.
Il avait été le Directeur ce matin. Il avait veillé à l’installation du personnel et au fait que celui-ci veillait à celui des internes. Il avait fait du café dans le bureau administratif, étudié les derniers dossiers, pris en compte les permis et les plaintes des villageois, lissé les plannings, mangé son petit-déjeuner en six fois, bu plus de café qu’il n’était raisonnable et regretté plusieurs fois ce choix stupide qu’ils avaient fait de transformer la maison en volière à oiseaux. Et puis il avait vu des jeunes faire de la magie, cachés dans un buisson, et il s’était félicité de ce merveilleux choix qu’ils avaient fait de transformer la maison en volière à oiseaux.
Dans le désordre, toujours, la matinée touchait à sa fin. Il repoussa le dernier papier de sa liste du jour, regarda l’heure et soupira. Il était temps de faire un tour.
Il se leva, vérifia dans le miroir que son costume tombait parfaitement, lissant ses cheveux derrière ses oreilles. Ses chaussures ne reflétaient pas encore totalement la lumière du jour, il faudrait qu’il les cire. Il faisait chaud et sa visite n’était pas officielle, il enleva sa veste, dégageant son cou de quelques boutons. Il hésita sur l’utilisation ou non de lunettes. Décida de les garder. Son but ? Convaincre le village qu’il n’était qu’un gentil patriote souhaitant remplir la région de rire d’enfants. Et, en quête annexe, ramener un nouvel oiseau dans la volière. Une gentille petite mortelle qu’il avait lui-même engagée et qu’il n’était pas contre connaître un petit peu mieux. Son frère avait besoin d’une femme. Avec un caractère assez fort pour le supporter. Et assez de bon sens pour lui faire comprendre quand il devait s’arrêter. Elle était mortelle. Mais elle ferait peut-être l’affaire.
Il descendit la route, tranquillement, saluant qui le saluait, et souriant d’autant plus à qui ne le saluait pas. C’était une belle journée et, sur le chemin entre le Château et le Prim’house, il ne fut arrêté que cinq fois, dont seulement une plainte sur un vol de bonbon qui venait certainement des délinquants de « chez vous ». Ne désirant pas perdre trop de temps, il paya le plaignant, s’amusant de l’insulte déguisée et bavarda aimablement avec les autres. Il entra. Accueilli par un sourire encore plus lumineux que la météo du midi.
« Bonjour Miss Primrose. Puis-je vous emprunter quelques minutes ? Ou pousser le vice jusqu’à vous proposer d’accompagner mon repas ? »
Il sourit, tranquille, amusé presque, attentif à ces expressions, essayant de savoir si cette sympathie, cet enthousiasme qu’il avait senti dans le salut lui était adressé, à lui, à eux, ou si c’était une façade, offerte à tout le monde. Les deux options avaient leur ironie. Et aucune ne l’empêcherait d’atteindre son but.
Re: Bon appétit !
Accueillir les clients avec le sourire, c’était la base du commerce, non ? Même si Annabel n’avait pas besoin de ça pour faire travailler ses zygomatiques. Elle n’était pas commerçante, mais le sourire, ça la connaissait. D’autant plus quand elle rencontrait quelqu’un qu’elle appréciait ou, du moins, qu’elle n’avait pas de raison de ne pas apprécier. Et le Directeur du lycée Culánn faisait clairement partie de ces gens-là. Elle avait fait sa connaissance lors de son entretien d’embauche – ce qui pouvait paraître un peu étrange si on considérait le fait qu’il vivait au château et qu’elle avait passé toutes ses vacances à Dunwatch depuis près de quarante ans, mais bon – mais c’était suffisant. En fait, le seul site internet du lycée Culánn aurait été suffisant : pour transformer sa demeure familiale en école et offrir aux élèves un tel cadre et un tel enseignement pour des frais d’inscriptions si modestes, il fallait forcément être quelqu’un de bien. Même s’il voulait la distraire de son travail du jour.
« Ni l’un ni l’autre, répliqua la biologiste, le sourire toujours aux lèvres. Si vous m’empruntez, il n’y aura plus personne pour faire mon travail. Mais, tant qu’il n’y a personne, je peux vous tenir compagnie, oui. »
Non seulement elle avait promis à sa tante qu’elle l’aiderait à tenir le restaurant pendant le week-end, mais en plus elle n’avait pas faim. Bon, les biscuits qu’elle avait grignotés pendant son escapade matinale n’y étaient sans doute pas pour rien mais c’était tant mieux au final. On avait jamais vu une serveuse qui mangeait alors que les clients pouvaient arriver d’une minute à l’autre, n’est-ce pas ?
« Aujourd’hui, c’est ragout de mouton et salade de champignons en entrée, ça vous ira ? reprit la jeune femme. Mais vous avez de la chance, je vous laisse choisir votre table. »
Bien que la salle ne soit pas très grande, il n’y avait que l’embarras du choix. Il était encore tôt, certes, mais surtout il n’y avait aucune réservation, rien. Derrière son sourire, Annabel trouvait ça plutôt normal étant donné que la rentrée approchait, mais elle savait que Kelly était déçue. La saison n’avait pas été aussi bonne qu’elle l’avait espérée, avec ce nouveau centre commercial et ses fast-foods à la mode. Mais ce n’était pas la faute de Mr Culánn, même si son idée d’école avait initié l’agrandissement du village. Il ne pouvait pas prévoir. Et, en plus, le salaire qu’il allait bientôt lui verser était largement suffisant pour aider sa tante, le temps que les clients reviennent. Parce qu’ils allaient revenir, évidemment : aucun fast-food ne pouvait rivaliser avec la cuisine du Prim’House.
« Est-ce que vous vous en sortez, pour les derniers préparatifs de la rentrée ? »
Le temps qu’elle passait à étudier les programmes de biologie des différentes années et à concocter leur organisation sur l’année n’avait rien à voir avec ce que devait être l’organisation d’une école entière. Mais s’il trouvait le temps de descendre déjeuner au village, c’était qu’il était dans les temps, n’est-ce pas ?
« Ni l’un ni l’autre, répliqua la biologiste, le sourire toujours aux lèvres. Si vous m’empruntez, il n’y aura plus personne pour faire mon travail. Mais, tant qu’il n’y a personne, je peux vous tenir compagnie, oui. »
Non seulement elle avait promis à sa tante qu’elle l’aiderait à tenir le restaurant pendant le week-end, mais en plus elle n’avait pas faim. Bon, les biscuits qu’elle avait grignotés pendant son escapade matinale n’y étaient sans doute pas pour rien mais c’était tant mieux au final. On avait jamais vu une serveuse qui mangeait alors que les clients pouvaient arriver d’une minute à l’autre, n’est-ce pas ?
« Aujourd’hui, c’est ragout de mouton et salade de champignons en entrée, ça vous ira ? reprit la jeune femme. Mais vous avez de la chance, je vous laisse choisir votre table. »
Bien que la salle ne soit pas très grande, il n’y avait que l’embarras du choix. Il était encore tôt, certes, mais surtout il n’y avait aucune réservation, rien. Derrière son sourire, Annabel trouvait ça plutôt normal étant donné que la rentrée approchait, mais elle savait que Kelly était déçue. La saison n’avait pas été aussi bonne qu’elle l’avait espérée, avec ce nouveau centre commercial et ses fast-foods à la mode. Mais ce n’était pas la faute de Mr Culánn, même si son idée d’école avait initié l’agrandissement du village. Il ne pouvait pas prévoir. Et, en plus, le salaire qu’il allait bientôt lui verser était largement suffisant pour aider sa tante, le temps que les clients reviennent. Parce qu’ils allaient revenir, évidemment : aucun fast-food ne pouvait rivaliser avec la cuisine du Prim’House.
« Est-ce que vous vous en sortez, pour les derniers préparatifs de la rentrée ? »
Le temps qu’elle passait à étudier les programmes de biologie des différentes années et à concocter leur organisation sur l’année n’avait rien à voir avec ce que devait être l’organisation d’une école entière. Mais s’il trouvait le temps de descendre déjeuner au village, c’était qu’il était dans les temps, n’est-ce pas ?
Re: Bon appétit !
Force était de constater, cependant, que le sourire était le même pour accueillir les gens et pour leur refuser une invitation. De là à en déduire qu’il n’était que de façade, il n’y avait qu’un pas que l’enchanteur n’avait pas envie de franchir plus que ça. Si elle avait dit non, elle s’était quand même proposée pour lui tenir compagnie, dans la mesure de ce qu’elle croyait être ses responsabilités. Il hocha la tête. Raison de plus pour l’enlever à cette famille qui l’exploitait – car c’était le terme, même lorsqu’on y mettait pas de sens péjoratif.
« Allons-y pour celle là » répondit-il, lui aussi en souriant, montrant une table pour deux, dans un coin, pas très loin des cuisines. « et ce menu me convient parfaitement. Je n’ai pas mangé de ragoût depuis beaucoup trop longtemps. Mais je suis étonné, il n’est pas trop tôt pour les champignons ? Je sais que l’été fut un peu humide mais je pensais que c’était plus un légume d’automne. »
On ne trompait pas un étudiant en biologie et un amoureux de l’automne sur les champignons. Même s’il se doutait qu’il s’agissait d’un produit congelé ou modifié pour être trouvable quelques mois plus tôt. Ou que la vieille Kelly ait ses coins dans la forêt – qui ne les avait pas. Mais il voulait savoir si le sourire allait suivre, si elle allait comprendre la taquinerie, le test. Si elle savait qu’elle passait une autre sorte d’entretien, pour un « travail » bien plus délicat que l’enseignement. Normalement, elle ne devait se douter de rien. Il s’assit à sa table, posa sa serviette sur ses cuisses, et lui sourit, tranquillement.
« La rentrée s’annonce bien. Les premiers internes sont arrivés et commencent à se faire avec les us et coutumes du château. Le grand chantier de la journée est le plan des chambres ainsi que celui des tables. Ce n’est d’ailleurs pas étranger à la raison de ma venue ici. » Il leva ses yeux verts vers elle, ennuyé quelque part d’avoir à monter la tête mais trop fier pour insister…tout de suite.
« A quelle heure pensez vous pouvoir arriver le matin au Château ? Voudriez-vous y loger certains soirs ? Nous pouvons vous trouver une suite de chambre avec une entrée indépendante, cela vous permettrait d’avoir une plus grande autonomie et liberté. Ces appartements seraient vôtres et cela ne vous empêcherait pas de passer quelques fois la soirée ou la nuit en ces murs. Simplement, j’ai besoin de savoir ce qui vous conviendrait le mieux afin d’organiser l’espace. Pas qu’on en manque, au contraire mais j’aime les choses bien carrées. »
Ne pas baisser les yeux, rester aussi sûr de lui qu’il le serait en la regardant d’en face ou d’en haut. Ne pas montrer d’intérêt particulier, ne pas insister spécifiquement sur une solution, laisser la proposition agir ou non avec le même désintérêt. S’il abattait son jeu trop vite, tout serait à refaire. Il fallait ferrer le poisson. Raison principale pour laquelle il avait toujours préféré la chasse à la pêche.
« Allons-y pour celle là » répondit-il, lui aussi en souriant, montrant une table pour deux, dans un coin, pas très loin des cuisines. « et ce menu me convient parfaitement. Je n’ai pas mangé de ragoût depuis beaucoup trop longtemps. Mais je suis étonné, il n’est pas trop tôt pour les champignons ? Je sais que l’été fut un peu humide mais je pensais que c’était plus un légume d’automne. »
On ne trompait pas un étudiant en biologie et un amoureux de l’automne sur les champignons. Même s’il se doutait qu’il s’agissait d’un produit congelé ou modifié pour être trouvable quelques mois plus tôt. Ou que la vieille Kelly ait ses coins dans la forêt – qui ne les avait pas. Mais il voulait savoir si le sourire allait suivre, si elle allait comprendre la taquinerie, le test. Si elle savait qu’elle passait une autre sorte d’entretien, pour un « travail » bien plus délicat que l’enseignement. Normalement, elle ne devait se douter de rien. Il s’assit à sa table, posa sa serviette sur ses cuisses, et lui sourit, tranquillement.
« La rentrée s’annonce bien. Les premiers internes sont arrivés et commencent à se faire avec les us et coutumes du château. Le grand chantier de la journée est le plan des chambres ainsi que celui des tables. Ce n’est d’ailleurs pas étranger à la raison de ma venue ici. » Il leva ses yeux verts vers elle, ennuyé quelque part d’avoir à monter la tête mais trop fier pour insister…tout de suite.
« A quelle heure pensez vous pouvoir arriver le matin au Château ? Voudriez-vous y loger certains soirs ? Nous pouvons vous trouver une suite de chambre avec une entrée indépendante, cela vous permettrait d’avoir une plus grande autonomie et liberté. Ces appartements seraient vôtres et cela ne vous empêcherait pas de passer quelques fois la soirée ou la nuit en ces murs. Simplement, j’ai besoin de savoir ce qui vous conviendrait le mieux afin d’organiser l’espace. Pas qu’on en manque, au contraire mais j’aime les choses bien carrées. »
Ne pas baisser les yeux, rester aussi sûr de lui qu’il le serait en la regardant d’en face ou d’en haut. Ne pas montrer d’intérêt particulier, ne pas insister spécifiquement sur une solution, laisser la proposition agir ou non avec le même désintérêt. S’il abattait son jeu trop vite, tout serait à refaire. Il fallait ferrer le poisson. Raison principale pour laquelle il avait toujours préféré la chasse à la pêche.
Re: Bon appétit !
Le sourire d’Annabel ne s’élargit pas mais se teinta d’une touche d’amusement qui fit pétiller son regard lorsque le Directeur du lycée Culánn s’étonna de la présence de champignons au menu. Il n’avait pas tort pour l’automne, bien sûr, mais la fin août en faisait déjà presque partie. Surtout quand, comme Kelly, on connaissait la région comme sa poche.
« Oui, vous pensez bien, répondit la biologiste, gaiement. Mais Tante Kelly a été se promener en forêt hier après-midi et en est revenue avec un panier plein. Ne me demandez pas comment elle a fait, elle n’a rien voulu dire et je n’ai pas vu un seul champignon depuis que je suis là. »
Généralement, les clients ne s’intéressaient pas trop à la provenance des ingrédients mais Kelly – et, par voie de conséquence, sa nièce – mettait un point d’honneur à les renseigner quand ils le souhaitaient. Et, pour être honnête, Annabel aurait pu disserter un long moment sur les différents coins de forêt qu’elle avait explorés, leur manque de champignons et leur richesse en flore et faune de toutes espèces. Mais elle n’était pas du tout certaine que le sujet intéresse Mr Culánn et il était hors de question de lui pourrir son déjeuner. Surtout quand il y avait un sujet de discussion tout trouvé, à savoir le lycée et la rentrée qui approchait.
Elle hocha la tête, toujours souriante, quand il répondit à sa question mais ne put s’empêcher de hausser un sourcil interrogateur à la mention des plans des tables et des chambres. En quoi sa venue au Prim’House pouvait-elle l’aider à organiser le château ? Le petit hôtel familial comptait une dizaine de tables et huit chambres, il n’avait aucune commune mesure avec le Château Culánn. Néanmoins, même si elle ne voyait pas le rapport, ça ne l’empêchait pas de répondre à la question suivante. Elle ouvrit donc la bouche… et la referma aussi sec puisque le Directeur continuait à parler… et lui faisait une proposition à laquelle elle ne s’attendait pas le moins du monde.
Muette pendant une seconde, Annabel en oublia même de sourire sous le coup de la surprise, pendant qu’elle analysait les mots prononcés. Ils ne semblaient pas avoir de sens caché. Mr Culánn venait bien de lui proposer de loger au château. Alors, d’accord, il lui était bien arrivé une fois ou deux de se demander ce que ça faisait de vivre dans une demeure pareille – probablement comme tous ceux qui ne le testeraient jamais – mais elle ne l’avait jamais envisagé pour elle-même. Ses parents possédaient un petit pavillon à Glasgow et, une fois partie, elle s’était contentée de petits appartements. Un peu plus grand quand elle avait partagé sa vie avec l’autre imbécile, mais rien d’exceptionnel. Et, même si sa chambre au Prim’House était plus exiguë que ce à quoi elle était habituée, elle devait reconnaître qu’elle était suffisante. Elle n’avait apporté que le strict nécessaire et le reste était allé remplir la cave de ses parents. Une suite dans un château, c’était juste au-dessus de ses moyens. Aussi bien financiers que conceptuels.
« Eh bien, le château n’étant qu’à une dizaine de minutes de marche du village, je pensais pouvoir arriver sans problème une demi-heure à une heure avant le début de mes cours selon la préparation nécessaire, commença la biologiste, prise au dépourvu, pour répondre à la partie facile et se donner le temps de réfléchir. Mais je vais vous chercher votre repas avant que vous ne tombiez d’inanition, reprit-elle avec le sourire. Vous voulez boire quelque chose avec ? »
Non, non, elle ne prenait pas la fuite vers les cuisines. Elle s’accordait juste un moment de réflexion pour retrouver son sens pratique et ordonner ses idées. Parce que si elle avait déjà pensé à quitter le Prim’House une fois qu’elle aurait reçu ses premiers salaires, pour louer un logement au village et libérer ainsi la chambre qu’elle occupait, ce n’était pas si simple. Même si Kelly n’en avait rien dit, sa nièce n’était pas stupide et s’était bien rendue compte que sa situation financière n’était pas au beau fixe. Tant qu’elle se faisait héberger, nourrir et blanchir, il lui était facile de donner un coup de main et, même, de proposer une compensation pour la chambre. Mais sa tante l’accepterait-elle sans rien en échange ? Ce n’était pas gagné. Retenant un soupir, Annabel sourit à sa parente, lui annonça le nom de leur premier client de la journée et prit ce qu’elle était venue chercher en cuisine, avant de revenir dans la salle à manger.
« Tenez, sourit-elle en déposant la bouteille d’eau pétillante sur la table et l’assiette de champignons devant Mr Culánn et en profitant de l’absence de nouveau client pour tirer la chaise en face de lui et s’y asseoir – elle avait promis de lui tenir compagnie après tout et c’était plus simple pour discuter. Vous ne m’avez pas dit… à combien se monte le loyer d’une chambre au château ? »
Si elle se décidait à quitter le Prim’House, pourquoi pas une chambre – une chambre, hein, pas une suite ! – au château puisqu’on la lui proposait. Bon, d’accord, et aussi parce que c’était beaucoup plus tentant qu’un appartement dans ces immeubles récents en périphérie du village. Mais Annabel n’était pas grippe-sous et ses économies se réduisaient à peau de chagrin, surtout avec ses derniers mois de chômage. Et elle voulait vraiment donner un coup de pouce à sa tante. Ah, et peut-être économiser un peu, parce que son ordinateur allait bientôt fêter son cinquième anniversaire et sa voiture ses quinze ans… Et Dunwatch ne brillait pas vraiment par son service de transports en commun.
« Oui, vous pensez bien, répondit la biologiste, gaiement. Mais Tante Kelly a été se promener en forêt hier après-midi et en est revenue avec un panier plein. Ne me demandez pas comment elle a fait, elle n’a rien voulu dire et je n’ai pas vu un seul champignon depuis que je suis là. »
Généralement, les clients ne s’intéressaient pas trop à la provenance des ingrédients mais Kelly – et, par voie de conséquence, sa nièce – mettait un point d’honneur à les renseigner quand ils le souhaitaient. Et, pour être honnête, Annabel aurait pu disserter un long moment sur les différents coins de forêt qu’elle avait explorés, leur manque de champignons et leur richesse en flore et faune de toutes espèces. Mais elle n’était pas du tout certaine que le sujet intéresse Mr Culánn et il était hors de question de lui pourrir son déjeuner. Surtout quand il y avait un sujet de discussion tout trouvé, à savoir le lycée et la rentrée qui approchait.
Elle hocha la tête, toujours souriante, quand il répondit à sa question mais ne put s’empêcher de hausser un sourcil interrogateur à la mention des plans des tables et des chambres. En quoi sa venue au Prim’House pouvait-elle l’aider à organiser le château ? Le petit hôtel familial comptait une dizaine de tables et huit chambres, il n’avait aucune commune mesure avec le Château Culánn. Néanmoins, même si elle ne voyait pas le rapport, ça ne l’empêchait pas de répondre à la question suivante. Elle ouvrit donc la bouche… et la referma aussi sec puisque le Directeur continuait à parler… et lui faisait une proposition à laquelle elle ne s’attendait pas le moins du monde.
Muette pendant une seconde, Annabel en oublia même de sourire sous le coup de la surprise, pendant qu’elle analysait les mots prononcés. Ils ne semblaient pas avoir de sens caché. Mr Culánn venait bien de lui proposer de loger au château. Alors, d’accord, il lui était bien arrivé une fois ou deux de se demander ce que ça faisait de vivre dans une demeure pareille – probablement comme tous ceux qui ne le testeraient jamais – mais elle ne l’avait jamais envisagé pour elle-même. Ses parents possédaient un petit pavillon à Glasgow et, une fois partie, elle s’était contentée de petits appartements. Un peu plus grand quand elle avait partagé sa vie avec l’autre imbécile, mais rien d’exceptionnel. Et, même si sa chambre au Prim’House était plus exiguë que ce à quoi elle était habituée, elle devait reconnaître qu’elle était suffisante. Elle n’avait apporté que le strict nécessaire et le reste était allé remplir la cave de ses parents. Une suite dans un château, c’était juste au-dessus de ses moyens. Aussi bien financiers que conceptuels.
« Eh bien, le château n’étant qu’à une dizaine de minutes de marche du village, je pensais pouvoir arriver sans problème une demi-heure à une heure avant le début de mes cours selon la préparation nécessaire, commença la biologiste, prise au dépourvu, pour répondre à la partie facile et se donner le temps de réfléchir. Mais je vais vous chercher votre repas avant que vous ne tombiez d’inanition, reprit-elle avec le sourire. Vous voulez boire quelque chose avec ? »
Non, non, elle ne prenait pas la fuite vers les cuisines. Elle s’accordait juste un moment de réflexion pour retrouver son sens pratique et ordonner ses idées. Parce que si elle avait déjà pensé à quitter le Prim’House une fois qu’elle aurait reçu ses premiers salaires, pour louer un logement au village et libérer ainsi la chambre qu’elle occupait, ce n’était pas si simple. Même si Kelly n’en avait rien dit, sa nièce n’était pas stupide et s’était bien rendue compte que sa situation financière n’était pas au beau fixe. Tant qu’elle se faisait héberger, nourrir et blanchir, il lui était facile de donner un coup de main et, même, de proposer une compensation pour la chambre. Mais sa tante l’accepterait-elle sans rien en échange ? Ce n’était pas gagné. Retenant un soupir, Annabel sourit à sa parente, lui annonça le nom de leur premier client de la journée et prit ce qu’elle était venue chercher en cuisine, avant de revenir dans la salle à manger.
« Tenez, sourit-elle en déposant la bouteille d’eau pétillante sur la table et l’assiette de champignons devant Mr Culánn et en profitant de l’absence de nouveau client pour tirer la chaise en face de lui et s’y asseoir – elle avait promis de lui tenir compagnie après tout et c’était plus simple pour discuter. Vous ne m’avez pas dit… à combien se monte le loyer d’une chambre au château ? »
Si elle se décidait à quitter le Prim’House, pourquoi pas une chambre – une chambre, hein, pas une suite ! – au château puisqu’on la lui proposait. Bon, d’accord, et aussi parce que c’était beaucoup plus tentant qu’un appartement dans ces immeubles récents en périphérie du village. Mais Annabel n’était pas grippe-sous et ses économies se réduisaient à peau de chagrin, surtout avec ses derniers mois de chômage. Et elle voulait vraiment donner un coup de pouce à sa tante. Ah, et peut-être économiser un peu, parce que son ordinateur allait bientôt fêter son cinquième anniversaire et sa voiture ses quinze ans… Et Dunwatch ne brillait pas vraiment par son service de transports en commun.
Re: Bon appétit !
Il ne saurait jamais si elle avait comprit le test, la taquinerie, ou si elle était simplement passionnée par ces végétaux. Mais le sourire perdit son gris commercial pour se teinter d'amusement, rehaussant d'éclats dorés les yeux noisettes de la jeune femme. Toryn allait adorer ce sourire. Il éclairait son visage et avait la couleur si vive des ténèbres, tout juste relevées par une teinte sombre de lumière. Les Mortels avaient les plus beaux yeux du monde. Des yeux qui mentaient. Des yeux sans alignement. Il lui rendit un sourire tout aussi amusé.
« Beaucoup paieraient très cher à Dunwatch pour connaître les coins de Dame Kelly. Savoir où trouver des trésors culinaires et comment les apprêter est un de ses grands talents. »
Il n'avait pas eu besoin de manger souvent au Prim pour le savoir. Soixante ans à écouter mine de rien les rumeurs du coin suffisaient bien pour ce genre de compliment sincère et vague. Il aurait préféré dire quelque chose sur ses yeux mais il y avait fort à parier que le Docteur Primerose était de celles qui refusent les compliments personnels mais sont touchés de ce qu'on pouvait dire sur leurs proches. C'était en tout cas là dessus qu'il plaçait ses billes. Entre autre.
Rapidement, cependant, ils abandonnèrent le sujet des champignons et entrèrent dans le vif du sujet. Et le sourire disparu. Faolán se demanda, un peu nerveusement, s'il s'agissait d'un bon ou d'un mauvais signe. Visiblement, il l'avait prise par surprise. Cela présageait d'une réponse sans far, honnête...
« Une eau pétillante ce sera très bien »
...si seulement elle ne s'était pas enfuie dans les cuisines.
C'était malin ça. Il voyait déjà les moqueries de son frère s'il avait fait perdre à l'Ecole un de ses professeurs tout juste une semaine avant la rentrée. Il pouvait presque en deviner les sarcasmes. Faire prendre la poudre d'escampette à une fille en lui demandant de l'eau pétillante, c'était sûr, c'était pathétique pour le séducteur qu'ils étaient à eux deux...surtout Toryn au final.
En y repensant, elle avait commencé à répondre avant la fuite et elle devait effectivement le servir aussi reviendrait-elle rapidement. Il allait attendre de voir, avant de se laisser aller à sauter aux conclusions. Si les années lui avaient appris quelque chose, c'était bien la sagesse de Lao Tseu. Et celle de Sun Tzu. Et en effet, elle revint, une assiette pleine de champignons à l'ail dans une main, une bouteille d'eau pétillante dans l'autre. Il s'autorisa un sourire en l'observant s'asseoir. C'était l'aveu d'une défaite. Il avait gagné et cela le rendait puérilement heureux.
« Merci »
Pour cacher ses pensées, il lui servit à boire, à elle, avant de faire couler les bulles dans son propre verre et de porter une première bouchée à ses lèvres. Il lui avait déjà proposé de partager. Elle avait dit non. Dans ces conditions, se sustenter en présence d'une personne sans assiette ne le dérangeait pas. Il avait grandit entouré de travailleurs, habitué à se faire servir et à voir plier le personnel sous sa volonté. Il n'y pensait même plus.
« 850 livres sterling par mois par élève, incluant cependant pas mal d'autres avantages. Mais pour vous, Professeur, c'est un logement de fonction. Cela ne sera pas déduit de votre salaire et ne vous coûterait que quelques repas hebdomadaires passés avec les élèves pour soulager un peu le travail de l'équipe surveillante. Pour une suite, donc, composée d'une chambre, d'une salle d'eau attenante, d'un bureau avec vue sur le parc, accès à la bibliothèque et au salon adulte du château et la possibilité de prendre tous vos autres repas dans vos appartements. Nous acceptons également les animaux de compagnie, dans la limite du raisonnable. Un lion, par exemple, ne serait pas admit sans une autorisation vétérinaire pour justifier sa présence dans un lieu fréquenté par des enfants. »
S'efforçant de se concentrer sur son assiette – ce qui n'était pas vraiment difficile, la nourriture étant vraiment savoureuse – il avait parlé de sa voix de Directeur, neutre, tranquille et assurée, comme si toutes ces histoires d'agent ne le regardaient pas vraiment. C'était le cas. La fortune familiale était bien suffisante pour survivre à un mauvais management. En réalité, il se fichait pas mal d'être rentable. Il voulait cette Mortel près de lui, parce qu'elle ferait un bien fou à son frère, et parce qu'apprendre à vivre sans choquer le monde devait se faire à chaque heure du jour et de la nuit. Le Docteur serait une difficulté pour ses élèves. Elle était attentive, intelligente, et il serait difficile de ne pas se trahir en l'ayant 24h/24 à ses côtés. C'était une bonne chose pour leur utopie. Qui pouvait le plus, pouvait le moins.
« Mais comme je vous le disait, ce n'est pas parce que vous acceptez le logement que vous êtes obligée de l'occuper sans arrêt. J'ai autre chose à faire que de savoir où vous passez vos nuits et vous êtes bien entendu libre d'aller et venir comme cela vous chante en dehors de vos heures de présence payées. Si vous voulez retourner parfois aider votre tante, cela ne dérangera pas et cela ne doit pas être un frein dans votre décision. »
Il sauça son plat vide avec son pain, s'essuya les lèvres pour ne pas tâcher le verre et termina de faire descendre son entrée en vidant ce dernier tranquillement.
« Évidemment, je peux concevoir que passer votre vie dans de vieux murs de pierre entourés par des collègues et des enfants ne soit pas votre vocation et tant que vous pensez être capable de nous rejoindre à temps pour vos cours, cela me convient... »
« Beaucoup paieraient très cher à Dunwatch pour connaître les coins de Dame Kelly. Savoir où trouver des trésors culinaires et comment les apprêter est un de ses grands talents. »
Il n'avait pas eu besoin de manger souvent au Prim pour le savoir. Soixante ans à écouter mine de rien les rumeurs du coin suffisaient bien pour ce genre de compliment sincère et vague. Il aurait préféré dire quelque chose sur ses yeux mais il y avait fort à parier que le Docteur Primerose était de celles qui refusent les compliments personnels mais sont touchés de ce qu'on pouvait dire sur leurs proches. C'était en tout cas là dessus qu'il plaçait ses billes. Entre autre.
Rapidement, cependant, ils abandonnèrent le sujet des champignons et entrèrent dans le vif du sujet. Et le sourire disparu. Faolán se demanda, un peu nerveusement, s'il s'agissait d'un bon ou d'un mauvais signe. Visiblement, il l'avait prise par surprise. Cela présageait d'une réponse sans far, honnête...
« Une eau pétillante ce sera très bien »
...si seulement elle ne s'était pas enfuie dans les cuisines.
C'était malin ça. Il voyait déjà les moqueries de son frère s'il avait fait perdre à l'Ecole un de ses professeurs tout juste une semaine avant la rentrée. Il pouvait presque en deviner les sarcasmes. Faire prendre la poudre d'escampette à une fille en lui demandant de l'eau pétillante, c'était sûr, c'était pathétique pour le séducteur qu'ils étaient à eux deux...surtout Toryn au final.
En y repensant, elle avait commencé à répondre avant la fuite et elle devait effectivement le servir aussi reviendrait-elle rapidement. Il allait attendre de voir, avant de se laisser aller à sauter aux conclusions. Si les années lui avaient appris quelque chose, c'était bien la sagesse de Lao Tseu. Et celle de Sun Tzu. Et en effet, elle revint, une assiette pleine de champignons à l'ail dans une main, une bouteille d'eau pétillante dans l'autre. Il s'autorisa un sourire en l'observant s'asseoir. C'était l'aveu d'une défaite. Il avait gagné et cela le rendait puérilement heureux.
« Merci »
Pour cacher ses pensées, il lui servit à boire, à elle, avant de faire couler les bulles dans son propre verre et de porter une première bouchée à ses lèvres. Il lui avait déjà proposé de partager. Elle avait dit non. Dans ces conditions, se sustenter en présence d'une personne sans assiette ne le dérangeait pas. Il avait grandit entouré de travailleurs, habitué à se faire servir et à voir plier le personnel sous sa volonté. Il n'y pensait même plus.
« 850 livres sterling par mois par élève, incluant cependant pas mal d'autres avantages. Mais pour vous, Professeur, c'est un logement de fonction. Cela ne sera pas déduit de votre salaire et ne vous coûterait que quelques repas hebdomadaires passés avec les élèves pour soulager un peu le travail de l'équipe surveillante. Pour une suite, donc, composée d'une chambre, d'une salle d'eau attenante, d'un bureau avec vue sur le parc, accès à la bibliothèque et au salon adulte du château et la possibilité de prendre tous vos autres repas dans vos appartements. Nous acceptons également les animaux de compagnie, dans la limite du raisonnable. Un lion, par exemple, ne serait pas admit sans une autorisation vétérinaire pour justifier sa présence dans un lieu fréquenté par des enfants. »
S'efforçant de se concentrer sur son assiette – ce qui n'était pas vraiment difficile, la nourriture étant vraiment savoureuse – il avait parlé de sa voix de Directeur, neutre, tranquille et assurée, comme si toutes ces histoires d'agent ne le regardaient pas vraiment. C'était le cas. La fortune familiale était bien suffisante pour survivre à un mauvais management. En réalité, il se fichait pas mal d'être rentable. Il voulait cette Mortel près de lui, parce qu'elle ferait un bien fou à son frère, et parce qu'apprendre à vivre sans choquer le monde devait se faire à chaque heure du jour et de la nuit. Le Docteur serait une difficulté pour ses élèves. Elle était attentive, intelligente, et il serait difficile de ne pas se trahir en l'ayant 24h/24 à ses côtés. C'était une bonne chose pour leur utopie. Qui pouvait le plus, pouvait le moins.
« Mais comme je vous le disait, ce n'est pas parce que vous acceptez le logement que vous êtes obligée de l'occuper sans arrêt. J'ai autre chose à faire que de savoir où vous passez vos nuits et vous êtes bien entendu libre d'aller et venir comme cela vous chante en dehors de vos heures de présence payées. Si vous voulez retourner parfois aider votre tante, cela ne dérangera pas et cela ne doit pas être un frein dans votre décision. »
Il sauça son plat vide avec son pain, s'essuya les lèvres pour ne pas tâcher le verre et termina de faire descendre son entrée en vidant ce dernier tranquillement.
« Évidemment, je peux concevoir que passer votre vie dans de vieux murs de pierre entourés par des collègues et des enfants ne soit pas votre vocation et tant que vous pensez être capable de nous rejoindre à temps pour vos cours, cela me convient... »
Re: Bon appétit !
Le compliment du Directeur sur les talents de sa tante transforma le sourire amusé d’Annabel en une expression plus chaleureuse. Si elle n’était pas toujours après les membres de sa famille, elle les aimait tout de même profondément, et Kelly plus que d’autres. La propriétaire du Prim’House lui avait toujours offert une bouffée d’air frais en l’accueillant chez elle pendant ses vacances et n’avait pas hésité une seconde à l’héberger alors même que sa situation n’était pas au beau fixe. Elle était convaincue depuis longtemps que sa tante était un vrai cordon bleu mais l’entendre dire par quelqu’un d’extérieur à la famille ou à son cercle d’amis proches ne pouvait que lui faire plaisir.
« Merci, répondit doucement la biologiste. Je le lui dirai. »
Cela ne pouvait que lui faire chaud au cœur et la rassurer. Tôt ou tard, les adeptes des fast-food ne pourraient que tomber d’accord avec Mr Culánn et rejoindre la salle à manger du Prim’House.
Néanmoins, le Directeur ne faisait pas qu’émettre des compliments ou des opinions consensuelles. Il faisait également des propositions surprenantes, et Annabel se sentit soulagée de devoir aller lui chercher son repas. Le service n’était pas trop sa tasse de thé, mais elle faisait des efforts, et c’était toujours mieux que la cuisine. Sans compter que, en l’occurrence, ça lui permettait de gagner quelques minutes pour réfléchir et réordonner ses pensées.
Son sourire avait repris sa place sur ses lèvres quand elle revint dans la salle à manger pour servir Mr Culánn et s’asseoir en face de lui. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il lui serve un verre d’eau avant de commencer à manger mais ne l’en remercia pas moins d’un « Merci » joyeux avant de lui souhaiter un « Bon appétit » et, surtout, d’écouter la réponse à sa question.
Bon. 850 £, ce n’était pas donné, mais ça restait tout à fait correct pour un internat. Surtout pour un établissement comme le lycée Culánn… ou plutôt comme le château Culánn. Ca confirmait ce qu’elle avait pensé en lisant le site Internet du l’école et… Comment ça, un logement de fonction ? Qui ne coûterait rien d’autre que quelques repas au réfectoire ? Incrédule, la jeune femme détailla en silence son interlocuteur pendant qu’il continuait à parler pour tenter de déterminer s’il plaisantait. Non. Pour s’assurer qu’il plaisantait. Il ne pouvait pas en être autrement, surtout qu’il parlait à nouveau de suite avec chambre, salle d’eau et bureau, de bibliothèque, … Malgré son incrédulité, Annabel ne put empêcher ses yeux de briller à la mention de la bibliothèque. Une image lui revint, probablement tirée d’un dessin animé qu’elle avait dû regarder à l’occasion d’une réunion de famille avec une de ses petites cousines : celle d’une immense salle remplie de livres du sol au plafond. Mais ce n’était qu’un dessin animé. Et elle avait une conversation à suivre. Conversation qui la fit de nouveau sourire quand il fut soudain question de lion. Elle savait bien qu’il plaisantait.
« Je me doute bien, » répliqua la biologiste, amusée.
Néanmoins, plaisanterie ou non, il n’avait pas répondu à sa question. Et la suite n’y répondait pas non plus. C’était bien entendu une bonne chose qu’elle soit libre de venir donner un coup de main à sa tante quand bon lui semblait – à condition que ladite tante se laisse convaincre, bien entendu – mais ce n’était pas vraiment ce qui la tracassait. Non seulement, c’était un peu évident – du moment qu’elle payait son loyer, son propriétaire n’avait aucun droit de regard sur ses activités – mais en plus il l’avait déjà dit un peu plus tôt.
« Je suis certaine de pouvoir rejoindre mes cours à temps… » commença la jeune femme.
Dix minutes de marche, tout de même. Ce n’était pas la mer à boire !
« Mais, ajouta-t-elle, peut-être un peu trop vite, je n’ai rien contre apprendre à connaître mes élèves ou mes collègues en dehors d’une salle de classe. Ni contre les vieux murs en pierre… sinon je ne logerais pas ici. »
Elle soupira intérieurement derrière son sourire. Ca ne l’amusait pas d’insister sur le sujet alors que son interlocuteur était à la fois son futur employeur et son potentiel futur propriétaire. Il n’avait pas semblé particulièrement agacé par sa question, jusque-là, mais il avait tout de même esquivé la réponse avec une plaisanterie.
« Je suis parfaitement consciente que vous allez me verser un salaire à faire pâlir d’envie certains de mes anciens collègues restés à l’université – du moins parmi ceux qui avaient les mêmes qualifications qu’elle – mais j’ai besoin de savoir quel serait vraiment le loyer d’une chambre au château. Pour pouvoir m’organiser, vous comprenez ? »
Pour savoir combien elle pouvait prévoir de mettre de côté, par exemple. Ou combien elle pouvait espérer faire accepter à sa tante. Elle devrait payer ses repas, la question ne se posait même pas, mais si elle parvenait à s’incruster au Prim’House une à deux fois par semaine, peut-être réussirait-elle à convaincre Kelly de continuer à lui donner un coup de main le week-end. Voire de lui faire ses courses de temps en temps, savait-on jamais !
« Merci, répondit doucement la biologiste. Je le lui dirai. »
Cela ne pouvait que lui faire chaud au cœur et la rassurer. Tôt ou tard, les adeptes des fast-food ne pourraient que tomber d’accord avec Mr Culánn et rejoindre la salle à manger du Prim’House.
Néanmoins, le Directeur ne faisait pas qu’émettre des compliments ou des opinions consensuelles. Il faisait également des propositions surprenantes, et Annabel se sentit soulagée de devoir aller lui chercher son repas. Le service n’était pas trop sa tasse de thé, mais elle faisait des efforts, et c’était toujours mieux que la cuisine. Sans compter que, en l’occurrence, ça lui permettait de gagner quelques minutes pour réfléchir et réordonner ses pensées.
Son sourire avait repris sa place sur ses lèvres quand elle revint dans la salle à manger pour servir Mr Culánn et s’asseoir en face de lui. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il lui serve un verre d’eau avant de commencer à manger mais ne l’en remercia pas moins d’un « Merci » joyeux avant de lui souhaiter un « Bon appétit » et, surtout, d’écouter la réponse à sa question.
Bon. 850 £, ce n’était pas donné, mais ça restait tout à fait correct pour un internat. Surtout pour un établissement comme le lycée Culánn… ou plutôt comme le château Culánn. Ca confirmait ce qu’elle avait pensé en lisant le site Internet du l’école et… Comment ça, un logement de fonction ? Qui ne coûterait rien d’autre que quelques repas au réfectoire ? Incrédule, la jeune femme détailla en silence son interlocuteur pendant qu’il continuait à parler pour tenter de déterminer s’il plaisantait. Non. Pour s’assurer qu’il plaisantait. Il ne pouvait pas en être autrement, surtout qu’il parlait à nouveau de suite avec chambre, salle d’eau et bureau, de bibliothèque, … Malgré son incrédulité, Annabel ne put empêcher ses yeux de briller à la mention de la bibliothèque. Une image lui revint, probablement tirée d’un dessin animé qu’elle avait dû regarder à l’occasion d’une réunion de famille avec une de ses petites cousines : celle d’une immense salle remplie de livres du sol au plafond. Mais ce n’était qu’un dessin animé. Et elle avait une conversation à suivre. Conversation qui la fit de nouveau sourire quand il fut soudain question de lion. Elle savait bien qu’il plaisantait.
« Je me doute bien, » répliqua la biologiste, amusée.
Néanmoins, plaisanterie ou non, il n’avait pas répondu à sa question. Et la suite n’y répondait pas non plus. C’était bien entendu une bonne chose qu’elle soit libre de venir donner un coup de main à sa tante quand bon lui semblait – à condition que ladite tante se laisse convaincre, bien entendu – mais ce n’était pas vraiment ce qui la tracassait. Non seulement, c’était un peu évident – du moment qu’elle payait son loyer, son propriétaire n’avait aucun droit de regard sur ses activités – mais en plus il l’avait déjà dit un peu plus tôt.
« Je suis certaine de pouvoir rejoindre mes cours à temps… » commença la jeune femme.
Dix minutes de marche, tout de même. Ce n’était pas la mer à boire !
« Mais, ajouta-t-elle, peut-être un peu trop vite, je n’ai rien contre apprendre à connaître mes élèves ou mes collègues en dehors d’une salle de classe. Ni contre les vieux murs en pierre… sinon je ne logerais pas ici. »
Elle soupira intérieurement derrière son sourire. Ca ne l’amusait pas d’insister sur le sujet alors que son interlocuteur était à la fois son futur employeur et son potentiel futur propriétaire. Il n’avait pas semblé particulièrement agacé par sa question, jusque-là, mais il avait tout de même esquivé la réponse avec une plaisanterie.
« Je suis parfaitement consciente que vous allez me verser un salaire à faire pâlir d’envie certains de mes anciens collègues restés à l’université – du moins parmi ceux qui avaient les mêmes qualifications qu’elle – mais j’ai besoin de savoir quel serait vraiment le loyer d’une chambre au château. Pour pouvoir m’organiser, vous comprenez ? »
Pour savoir combien elle pouvait prévoir de mettre de côté, par exemple. Ou combien elle pouvait espérer faire accepter à sa tante. Elle devrait payer ses repas, la question ne se posait même pas, mais si elle parvenait à s’incruster au Prim’House une à deux fois par semaine, peut-être réussirait-elle à convaincre Kelly de continuer à lui donner un coup de main le week-end. Voire de lui faire ses courses de temps en temps, savait-on jamais !
Dernière édition par Annabel Primrose le Mar 1 Avr - 9:35, édité 1 fois
Re: Bon appétit !
« Je comprends. »
Il l'avait plutôt bien cernée jusqu'ici. Il l'avait faite sourire, s'asseoir, poussé à admettre qu'une place au château lui plairait. Il y avait encore du chemin à accomplir pour en faire ce qu'il voudrait, bien évidemment, mais c'était ce qui rendait la vie sociable intéressante. L'inconnu, la peur de faire un pas de côté, le frisson tout relatif d'un danger indifférent mais pourtant délicieux. Le combat de l'homme moderne et toutes ses sortes de choses.
Pour le moment, elle ne le croyait pas. Bien. Elle était fière aussi, où elle ne ferait pas la serveuse au Prim'House. Un rôle qui en-dessous de ses qualifications, qui serait bien mieux tenu par une femme nettement plus jeune, à l'uniforme plus court. Il reposa son pain, balayant la nappe de la paume pour en retirer les miettes. Il n'aimait pas poser ses poignets sur des pics de croûte. Ça devait être le lion qui l'avait foutu dedans. Pourtant, dans un monde où on pouvait très bien lui parler d'un dragon de compagnie, il se devait d'être méfiant. Il sourit.
« Votre salaire correspond à la qualité de l'enseignement que j'espère que vous pourrez dispenser autour de vous. A vos qualifications, ainsi qu'à une certaine forme d'excuse pour vous arracher à la vie trépidante de la Cité pour vous enfermer dans notre petit bout de lande. S'il est élevé selon les standards habituels c'est que j'ai de hautes espérances en vos qualités d'enseignante et de scientifique. »
Il repoussa son assiette, s'octroyant le plaisir de la regarder dans les yeux. Des « nous » avaient bien failli passer ses lèvres et il devait faire attention à son discours, le faire venir du cœur et le vernir en fonction de ses besoins. Il avait trente ans de plus qu'elle. C'étaient autant d'année d'expérience en négociations quotidienne. Il fallait qu'il l'amène exactement où il avait besoin d'elle.
« Je ne vais pas essayer de vous complimenter jusqu'à plus soif, je présume que vous êtes au dessus de ça et que même un éloge sincère vous gênerais. Je me contenterais de dire que Dunwatch est ma Maison. Le village est le cœur de mon Ecosse. Cette école est un pari et je veux qu'elle soit un succès. Pour les enfants. Pour moi. Et pour le Village. »
Il porta son verre à ses lèvres, la laissant se demander quel était le lien, si elle ne l'avait pas déjà fait. Une part de son esprit se demanda quand elle aurait le temps de lui débarrasser son entrée et de lui servir son plat qui était certainement près. Cela le fit sourire. Le Prim manquait vraiment de cette seule jeune femme. Il faudrait qu'il creuse dans les familles des élèves pour voir s'il pouvait trouver quelqu'une qui ferait l'affaire. Il l'offrirait à Kelly. Et Annabel serait alors libre de lier connaissance avec son frère.
« J'étais sérieux en parlant de logement de fonction. Votre expérience et votre présence dans nos murs seraient, comme je vous l'ai dit, un plus pour les élèves. Voyez vous, en Internat, nous ne faisons pas qu'instruire, nous éduquons aussi. Pour certains, nous nous substituons à la Famille. Or, vous êtes une femme éduquée, avec un certain standing. Un exemple qu'il serait bon pour les jeunes de reconnaître. De suivre. Bref. Je pense que vous voyez ce que je veux dire. »
Une autre légère pause, autant pour la laisser réfléchir que pour mettre lui-même de l'ordre dans la suite de ses pensées.
« Je comprends toutefois. Vous êtes une femme du 21ème siècle, vous êtes fière et vous êtes seule architecte de votre vie. J'accepte et j'admire cela. Si vous voulez payer un loyer pour votre suite, je n'insisterais pas davantage. Je n'aurais qu'une seule question, avant d'aborder le côté strictement monétaire de la question. »
Dernière pause, un peu rêveuse tandis qu'il repensait à ce Château, qu'il n'avait jamais aimé. Au village qui lui était au mieux indifférent. A ce monde qui avait bercé son enfance, dont il était fier, auquel il était attaché malgré lui mais qu'il avait fui la plus grande partie de sa vie. Il essaya d'être son frère. De mettre les sentiments que Toryn avait envers ces lieux. Les vrais sentiments. Pas le dédain qu'il feignait.
« A combien évaluez-vous la plus-value que vous seriez pour le château par votre présence, sur une base mensuelle ? »
Il sourit à nouveau, un sourcil légèrement levé, curieux, vraiment curieux de voir comment elle allait se sortir de ce chausse trappe qu'il s'était ingénié à tisser, délicatement, autour d'elle. S'il s'était bien débrouillé, elle allait, d'elle-même, fixer son loyer. S'il s'était mieux débrouillé, elle accepterait de venir gratuitement. Et il aurait gagné. Il sentit un nouveau frisson. Celui de l'inconnu. Celui du pari un peu risqué. Quand on ne misait pas sa chemise mais une bonne partie de son avoir dans un mouvement bien moins calculé que ce qu'on aurait pu croire.
Il l'avait plutôt bien cernée jusqu'ici. Il l'avait faite sourire, s'asseoir, poussé à admettre qu'une place au château lui plairait. Il y avait encore du chemin à accomplir pour en faire ce qu'il voudrait, bien évidemment, mais c'était ce qui rendait la vie sociable intéressante. L'inconnu, la peur de faire un pas de côté, le frisson tout relatif d'un danger indifférent mais pourtant délicieux. Le combat de l'homme moderne et toutes ses sortes de choses.
Pour le moment, elle ne le croyait pas. Bien. Elle était fière aussi, où elle ne ferait pas la serveuse au Prim'House. Un rôle qui en-dessous de ses qualifications, qui serait bien mieux tenu par une femme nettement plus jeune, à l'uniforme plus court. Il reposa son pain, balayant la nappe de la paume pour en retirer les miettes. Il n'aimait pas poser ses poignets sur des pics de croûte. Ça devait être le lion qui l'avait foutu dedans. Pourtant, dans un monde où on pouvait très bien lui parler d'un dragon de compagnie, il se devait d'être méfiant. Il sourit.
« Votre salaire correspond à la qualité de l'enseignement que j'espère que vous pourrez dispenser autour de vous. A vos qualifications, ainsi qu'à une certaine forme d'excuse pour vous arracher à la vie trépidante de la Cité pour vous enfermer dans notre petit bout de lande. S'il est élevé selon les standards habituels c'est que j'ai de hautes espérances en vos qualités d'enseignante et de scientifique. »
Il repoussa son assiette, s'octroyant le plaisir de la regarder dans les yeux. Des « nous » avaient bien failli passer ses lèvres et il devait faire attention à son discours, le faire venir du cœur et le vernir en fonction de ses besoins. Il avait trente ans de plus qu'elle. C'étaient autant d'année d'expérience en négociations quotidienne. Il fallait qu'il l'amène exactement où il avait besoin d'elle.
« Je ne vais pas essayer de vous complimenter jusqu'à plus soif, je présume que vous êtes au dessus de ça et que même un éloge sincère vous gênerais. Je me contenterais de dire que Dunwatch est ma Maison. Le village est le cœur de mon Ecosse. Cette école est un pari et je veux qu'elle soit un succès. Pour les enfants. Pour moi. Et pour le Village. »
Il porta son verre à ses lèvres, la laissant se demander quel était le lien, si elle ne l'avait pas déjà fait. Une part de son esprit se demanda quand elle aurait le temps de lui débarrasser son entrée et de lui servir son plat qui était certainement près. Cela le fit sourire. Le Prim manquait vraiment de cette seule jeune femme. Il faudrait qu'il creuse dans les familles des élèves pour voir s'il pouvait trouver quelqu'une qui ferait l'affaire. Il l'offrirait à Kelly. Et Annabel serait alors libre de lier connaissance avec son frère.
« J'étais sérieux en parlant de logement de fonction. Votre expérience et votre présence dans nos murs seraient, comme je vous l'ai dit, un plus pour les élèves. Voyez vous, en Internat, nous ne faisons pas qu'instruire, nous éduquons aussi. Pour certains, nous nous substituons à la Famille. Or, vous êtes une femme éduquée, avec un certain standing. Un exemple qu'il serait bon pour les jeunes de reconnaître. De suivre. Bref. Je pense que vous voyez ce que je veux dire. »
Une autre légère pause, autant pour la laisser réfléchir que pour mettre lui-même de l'ordre dans la suite de ses pensées.
« Je comprends toutefois. Vous êtes une femme du 21ème siècle, vous êtes fière et vous êtes seule architecte de votre vie. J'accepte et j'admire cela. Si vous voulez payer un loyer pour votre suite, je n'insisterais pas davantage. Je n'aurais qu'une seule question, avant d'aborder le côté strictement monétaire de la question. »
Dernière pause, un peu rêveuse tandis qu'il repensait à ce Château, qu'il n'avait jamais aimé. Au village qui lui était au mieux indifférent. A ce monde qui avait bercé son enfance, dont il était fier, auquel il était attaché malgré lui mais qu'il avait fui la plus grande partie de sa vie. Il essaya d'être son frère. De mettre les sentiments que Toryn avait envers ces lieux. Les vrais sentiments. Pas le dédain qu'il feignait.
« A combien évaluez-vous la plus-value que vous seriez pour le château par votre présence, sur une base mensuelle ? »
Il sourit à nouveau, un sourcil légèrement levé, curieux, vraiment curieux de voir comment elle allait se sortir de ce chausse trappe qu'il s'était ingénié à tisser, délicatement, autour d'elle. S'il s'était bien débrouillé, elle allait, d'elle-même, fixer son loyer. S'il s'était mieux débrouillé, elle accepterait de venir gratuitement. Et il aurait gagné. Il sentit un nouveau frisson. Celui de l'inconnu. Celui du pari un peu risqué. Quand on ne misait pas sa chemise mais une bonne partie de son avoir dans un mouvement bien moins calculé que ce qu'on aurait pu croire.
Re: Bon appétit !
Il comprenait. Bon. Un brin soulagée, Annabel se détendit. Elle savait qu’avec son futur salaire, elle aurait de quoi payer un loyer raisonnable sans trop se poser de questions, mais elle n’avait jamais classé les suites dans un château dans la catégorie des choses raisonnables. Elle n’y avait même jamais songé, en fait. Un appartement dans un des immeubles récents pourquoi pas, une petite maison à la rigueur, une fois qu’elle aurait réussi à convaincre sa tante pour les week-ends… mais Mr Culánn semblait prêt à rendre possible ce qu’elle n’avait jamais imaginé. Enfin, elle n’avait plus qu’à écouter sa réponse pour savoir si c’était envisageable ou non.
Sauf que ladite réponse ne collait pas vraiment à la question. Au lieu de simplement donner le montant du loyer d’une chambre au château, comme elle l’attendait, il détaillait le pourquoi du comment du salaire. Sa question était simple, pourtant, non ? Et sa phrase n’avait eu d’autre but que de lui signifier qu’elle avait conscience des avantages qu’on lui proposait et qu’elle ne réclamait rien de plus. Et surtout pas des compliments. Un peu gênée, la biologiste ne détourna toutefois pas les yeux lorsque le Directeur accrocha son regard. Seul son sourire, plus figé, moins large et moins lumineux qu’à l’ordinaire, pouvait trahir son embarras. Heureusement, il laissa vite tomber les hautes espérances et tutti quanti pour parler du village et de l’école et de ses intentions. C’était moins gênant, certes, mais Annabel ne voyait pas le lien avec sa question première.
« Je comprends, » murmura-t-elle néanmoins, tandis qu’il avalait une gorgée d’eau.
Elle se doutait qu’il avait l’intention de faire de l’école un succès, sinon pourquoi la créer ? Et, pour ce qu’elle en savait, son projet était effectivement en faveur des enfants, sinon pourquoi proposer un tel enseignement à un tel prix ? Ce n’était pas donné, mais bien plus abordable que d’autres établissements de même niveau, même en considérant que Dunwatch n’était qu’un petit bout de lande. Et elle ne voyait toujours pas où il voulait en venir… jusqu’à ce qu’il soit à nouveau question d’un logement de fonction. Donc il était sérieux, malgré le lion. Mais pas quand il disait renoncer aux compliments, visiblement.
Franchement mal à l’aise cette fois, Annabel croisa les jambes sous la table, avant de les décroiser. En général, ce n’était pas vraiment le futur employeur qui faisait l’éloge de son futur salarié, ni le propriétaire qui dévalorisait son logement devant l’éventuel locataire ; c’était plutôt l’inverse. Et, si la jeune femme n’aimait guère se faire mousser, elle appréciait encore moins les louanges imméritées. Si elle n’avait pas été si embarrassée derrière son sourire, elle aurait presque pu en rire. Un certain standing, elle ? Combien de fois sa mère avait-elle déplorée ses jeans et ses baskets usées depuis son adolescence ? Quant à l’exemple à suivre pour des enfants… Ca dépendait probablement du point de vue, mais ce n’était certainement pas le sien.
Et elle ne put s’empêcher de froncer légèrement les sourcils à la dernière question. C’était elle ou bien il venait vraiment d’esquiver sa demande pour retourner complètement la situation ?
« Je crois que vous vous trompez, commença-t-elle, doucement. Vous m’avez engagée pour enseigner la biologie, et vous allez largement me payer pour ça. Plus que largement, même, ajouta-t-elle avec une esquisse de son sourire habituel, parce que la part d’excuse est inutile. Je préfère largement votre petit bout de lande à la vie trépidante de la Cité… »
OK, elle faisait tout à l’envers. En général, quand on discutait de son salaire avec son patron, c’était pour demander une augmentation, pas l’inverse. Mais c’était lui qui avait commencé. Et elle était scientifique, elle. Son travail, c’était de décrire les faits. Pas de les arranger à sa sauce. Et les faits étaient là : il la surestimait.
« Quoi qu’il en soit, ça ne me gêne pas de participer à la surveillance des repas, mais pour le reste je crains de ne pas apporter grand-chose au château. L’éducation, c’est pas trop mon truc. »
Et elle avait testé suffisamment de petits cousins aux repas de Noël pour le savoir. Pourquoi croyait-il qu’elle avait passé dix ans à étudier les micro-organismes, hein ? Elles n’avaient besoin que du bouillon de culture adéquat pour grandir, les colonies bactériennes. Et, si elle avait déjà enseigné, c’était à l’université. Ses étudiants étaient censés être déjà éduqués quand elle les récupérait.
Annabel avait complètement oublié l’assiette vide devant son interlocuteur, tout comme la suite de son repas qui attendait probablement dans la cuisine – et Kelly qui devait se demander ce qui se passait – mais pas sa question à laquelle il n’avait toujours pas répondu. Mr Culánn avait lancé le sujet pour mieux esquiver ensuite les réponses qu’elle était en droit d’attendre, c’était trop facile. Elle aurait menti en affirmant ne pas être tentée par ce qu’il proposait – loger dans un château, quoi – mais elle devait reconnaître qu’elle n’en mourrait pas si c’était au-dessus de ses moyens. Ce qu’elle voulait maintenant, c’était une réponse claire. Avec des chiffres si possible et même s’il semblait les éviter. Les chiffres, c’était clair. Objectif. Scientifique. On pouvait les additionner, les soustraire, en tirer des moyennes, des écart-types et des statistiques. C’était la base. Que ça lui plaise ou non.
Aussi la biologiste planta-t-elle à son tour son regard dans celui, vert, du Directeur. Une lueur de défi dansait derrière les lunettes, au fond des prunelles.
« Pour en revenir au côté strictement monétaire, je conçois qu’un professeur ne puisse pas payer moins qu’un élève, mais je voudrais tout de même plus de précisions. »
Il pouvait parler de logement de fonction si ça lui chantait, mais elle n’en démordrait pas. Un professeur rémunéré ne pouvait pas être logé dans les mêmes conditions et pour moins cher qu’un étudiant qui payait des frais de scolarité. Et son travail n’entrait pas en ligne de compte puisque, justement, elle était rémunérée pour. Si elle allait louer un appartement au village, le propriétaire ne lui ferait pas une ristourne parce qu’elle bossait au château, n’est-ce pas ?
Sauf que ladite réponse ne collait pas vraiment à la question. Au lieu de simplement donner le montant du loyer d’une chambre au château, comme elle l’attendait, il détaillait le pourquoi du comment du salaire. Sa question était simple, pourtant, non ? Et sa phrase n’avait eu d’autre but que de lui signifier qu’elle avait conscience des avantages qu’on lui proposait et qu’elle ne réclamait rien de plus. Et surtout pas des compliments. Un peu gênée, la biologiste ne détourna toutefois pas les yeux lorsque le Directeur accrocha son regard. Seul son sourire, plus figé, moins large et moins lumineux qu’à l’ordinaire, pouvait trahir son embarras. Heureusement, il laissa vite tomber les hautes espérances et tutti quanti pour parler du village et de l’école et de ses intentions. C’était moins gênant, certes, mais Annabel ne voyait pas le lien avec sa question première.
« Je comprends, » murmura-t-elle néanmoins, tandis qu’il avalait une gorgée d’eau.
Elle se doutait qu’il avait l’intention de faire de l’école un succès, sinon pourquoi la créer ? Et, pour ce qu’elle en savait, son projet était effectivement en faveur des enfants, sinon pourquoi proposer un tel enseignement à un tel prix ? Ce n’était pas donné, mais bien plus abordable que d’autres établissements de même niveau, même en considérant que Dunwatch n’était qu’un petit bout de lande. Et elle ne voyait toujours pas où il voulait en venir… jusqu’à ce qu’il soit à nouveau question d’un logement de fonction. Donc il était sérieux, malgré le lion. Mais pas quand il disait renoncer aux compliments, visiblement.
Franchement mal à l’aise cette fois, Annabel croisa les jambes sous la table, avant de les décroiser. En général, ce n’était pas vraiment le futur employeur qui faisait l’éloge de son futur salarié, ni le propriétaire qui dévalorisait son logement devant l’éventuel locataire ; c’était plutôt l’inverse. Et, si la jeune femme n’aimait guère se faire mousser, elle appréciait encore moins les louanges imméritées. Si elle n’avait pas été si embarrassée derrière son sourire, elle aurait presque pu en rire. Un certain standing, elle ? Combien de fois sa mère avait-elle déplorée ses jeans et ses baskets usées depuis son adolescence ? Quant à l’exemple à suivre pour des enfants… Ca dépendait probablement du point de vue, mais ce n’était certainement pas le sien.
Et elle ne put s’empêcher de froncer légèrement les sourcils à la dernière question. C’était elle ou bien il venait vraiment d’esquiver sa demande pour retourner complètement la situation ?
« Je crois que vous vous trompez, commença-t-elle, doucement. Vous m’avez engagée pour enseigner la biologie, et vous allez largement me payer pour ça. Plus que largement, même, ajouta-t-elle avec une esquisse de son sourire habituel, parce que la part d’excuse est inutile. Je préfère largement votre petit bout de lande à la vie trépidante de la Cité… »
OK, elle faisait tout à l’envers. En général, quand on discutait de son salaire avec son patron, c’était pour demander une augmentation, pas l’inverse. Mais c’était lui qui avait commencé. Et elle était scientifique, elle. Son travail, c’était de décrire les faits. Pas de les arranger à sa sauce. Et les faits étaient là : il la surestimait.
« Quoi qu’il en soit, ça ne me gêne pas de participer à la surveillance des repas, mais pour le reste je crains de ne pas apporter grand-chose au château. L’éducation, c’est pas trop mon truc. »
Et elle avait testé suffisamment de petits cousins aux repas de Noël pour le savoir. Pourquoi croyait-il qu’elle avait passé dix ans à étudier les micro-organismes, hein ? Elles n’avaient besoin que du bouillon de culture adéquat pour grandir, les colonies bactériennes. Et, si elle avait déjà enseigné, c’était à l’université. Ses étudiants étaient censés être déjà éduqués quand elle les récupérait.
Annabel avait complètement oublié l’assiette vide devant son interlocuteur, tout comme la suite de son repas qui attendait probablement dans la cuisine – et Kelly qui devait se demander ce qui se passait – mais pas sa question à laquelle il n’avait toujours pas répondu. Mr Culánn avait lancé le sujet pour mieux esquiver ensuite les réponses qu’elle était en droit d’attendre, c’était trop facile. Elle aurait menti en affirmant ne pas être tentée par ce qu’il proposait – loger dans un château, quoi – mais elle devait reconnaître qu’elle n’en mourrait pas si c’était au-dessus de ses moyens. Ce qu’elle voulait maintenant, c’était une réponse claire. Avec des chiffres si possible et même s’il semblait les éviter. Les chiffres, c’était clair. Objectif. Scientifique. On pouvait les additionner, les soustraire, en tirer des moyennes, des écart-types et des statistiques. C’était la base. Que ça lui plaise ou non.
Aussi la biologiste planta-t-elle à son tour son regard dans celui, vert, du Directeur. Une lueur de défi dansait derrière les lunettes, au fond des prunelles.
« Pour en revenir au côté strictement monétaire, je conçois qu’un professeur ne puisse pas payer moins qu’un élève, mais je voudrais tout de même plus de précisions. »
Il pouvait parler de logement de fonction si ça lui chantait, mais elle n’en démordrait pas. Un professeur rémunéré ne pouvait pas être logé dans les mêmes conditions et pour moins cher qu’un étudiant qui payait des frais de scolarité. Et son travail n’entrait pas en ligne de compte puisque, justement, elle était rémunérée pour. Si elle allait louer un appartement au village, le propriétaire ne lui ferait pas une ristourne parce qu’elle bossait au château, n’est-ce pas ?
Re: Bon appétit !
Elle se défendait bien. Un autre hommage à son intelligence. Elle n'était pas tombé dans le piège. Elle n'avait pas perdu contenance. Elle avait gardé son sourire comme il avait gardé le sien, par image. L'arme des lumineux disait son frère qui n'avait pas tout à fait tort. Il avait à présent deux choix. Il pouvait continuer à jouer, au risque de se la mettre réellement à dos ou il pouvait mettre cartes sur table et se montrer parfaitement honnête. Ce qui était souvent la méthode la plus efficace. Il l'écouta donc parler jusqu'au bout, silencieux, son visage imperturbable, du moins l'espérait-il.
« Ecoutez, je n'avais pas prévu de vous proposer de loyer. Vous voulez en payer un, je le comprends. J'aurais du m'en douter. C'est de ma faute pour ne pas avoir été prévoyant. »
Il fit quelques calculs rapides dans sa tête, remuant les lèvres en même temps pour montrer qu'il réfléchissait. Il détestait toutes ses histoires d'argent. Il en gagnait plus qu'il n'en dépensait depuis qu'il était assez grand pour travailler et même à présent, alors qu'il avait l'air de dilapider l'argent paternel, des actions dormaient tranquillement sur son compte en banque, attendant une résolution correcte à la Crise pour repartir de plus belle. Que pensait-elle vraiment lui apporter avec ses 1000 ridicules livres au mois ? Une goutte d'eau dans l'océan. Et pourtant, lui non plus n'avait pas voulu vivre aux crochets du château. Il comprenait la démarche. Il ne savait juste pas vraiment comment s'en sortir. Il soupira. Ne fit aucun effort pour le cacher.
« 300 livres au mois vous paraît acceptable ? Je suis professeur de lettres et de philosophie, pas agent immobilier. J'ai toujours connu le château, je ne sais absolument pas ce qu'il vaut et très sincèrement, je m'en moque. Mais je ne vous ferais pas payer autant qu'un élève à qui l'on fournit un service. Paye généreuse ou pas, j'ai ma fierté. »
Là. Il l'avait dit. Maintenant c'était à elle d'accepter ou non. Ou de faire une contre-proposition, il n'était pas fermé du tout. Il avait été, pour une fois, honnête et sincère (même s'il l'avait été par calcul) et il espérait fortement que ce dernier rebondissement serait le bon. Il y avait normalement un processus psychologique qui poussait quelqu'un qui venait de dire « non » à une proposition inacceptable de dire « oui » à celle d'après, si elle était plus logique. C'était un truc qu'on apprenait chez les traders. Pour négocier. Il y avait des livres entiers écrits sur le sujet. La beauté du truc, c'est qu'on avait beau le savoir, cela fonctionnait quand même. Dans une majorité des cas. Mais le Professeur Primerose était intelligente, elle l'avait déjà démontré.
Il se rendit compte qu'il était nerveux. Il ne voulait pas qu'elle refuse. Plus le temps passait, plus il se confortait dans l'idée qu'elle serait parfaite pour les élèves comme pour son frère. Mortelle, obstinée, cachant ses sentiments derrière un sourire de façade. Elle leur apprendrait plein de choses utile sur la vie et le reste. Elle rationaliserait la magie, il en était sûr. Elle rationalisait bien une négociation basique...
« Ecoutez, je n'avais pas prévu de vous proposer de loyer. Vous voulez en payer un, je le comprends. J'aurais du m'en douter. C'est de ma faute pour ne pas avoir été prévoyant. »
Il fit quelques calculs rapides dans sa tête, remuant les lèvres en même temps pour montrer qu'il réfléchissait. Il détestait toutes ses histoires d'argent. Il en gagnait plus qu'il n'en dépensait depuis qu'il était assez grand pour travailler et même à présent, alors qu'il avait l'air de dilapider l'argent paternel, des actions dormaient tranquillement sur son compte en banque, attendant une résolution correcte à la Crise pour repartir de plus belle. Que pensait-elle vraiment lui apporter avec ses 1000 ridicules livres au mois ? Une goutte d'eau dans l'océan. Et pourtant, lui non plus n'avait pas voulu vivre aux crochets du château. Il comprenait la démarche. Il ne savait juste pas vraiment comment s'en sortir. Il soupira. Ne fit aucun effort pour le cacher.
« 300 livres au mois vous paraît acceptable ? Je suis professeur de lettres et de philosophie, pas agent immobilier. J'ai toujours connu le château, je ne sais absolument pas ce qu'il vaut et très sincèrement, je m'en moque. Mais je ne vous ferais pas payer autant qu'un élève à qui l'on fournit un service. Paye généreuse ou pas, j'ai ma fierté. »
Là. Il l'avait dit. Maintenant c'était à elle d'accepter ou non. Ou de faire une contre-proposition, il n'était pas fermé du tout. Il avait été, pour une fois, honnête et sincère (même s'il l'avait été par calcul) et il espérait fortement que ce dernier rebondissement serait le bon. Il y avait normalement un processus psychologique qui poussait quelqu'un qui venait de dire « non » à une proposition inacceptable de dire « oui » à celle d'après, si elle était plus logique. C'était un truc qu'on apprenait chez les traders. Pour négocier. Il y avait des livres entiers écrits sur le sujet. La beauté du truc, c'est qu'on avait beau le savoir, cela fonctionnait quand même. Dans une majorité des cas. Mais le Professeur Primerose était intelligente, elle l'avait déjà démontré.
Il se rendit compte qu'il était nerveux. Il ne voulait pas qu'elle refuse. Plus le temps passait, plus il se confortait dans l'idée qu'elle serait parfaite pour les élèves comme pour son frère. Mortelle, obstinée, cachant ses sentiments derrière un sourire de façade. Elle leur apprendrait plein de choses utile sur la vie et le reste. Elle rationaliserait la magie, il en était sûr. Elle rationalisait bien une négociation basique...
Re: Bon appétit !
Ce n’était pas vraiment un changement de ton ; la voix restait identique. Ni un changement d’expression ; le visage de Mr Culánn restait aussi impénétrable qu’au début de la conversation malgré son sourire. Mais il y avait quelque chose tout de même. Peut-être le fait qu’il commence avec un « Ecoutez ». Peut-être autre chose. En tout cas, cette fois, il n’y avait plus de flatterie ou de compliment plus ou moins déguisé. Juste un énoncé des faits tels qu’ils étaient, suivi d’un silence. Annabel ne le rompit pas, puisqu’il était visible que son interlocuteur réfléchissait, mais ne put s’empêcher de se demander s’il allait enfin répondre à sa question ou non. Ca semblait bien parti…
… et la réponse ne tarda pas. Certes, cette fois, il ne tournait pas autour du pot. Mais c’était tellement… dérisoire. 300 livres ? Vraiment ? C’était complètement ridicule comparé à ce que devait payer les élèves, sans même parler de ce que valait probablement vraiment une chambre dans le château. La jeune femme non plus n’était pas agent immobilier mais elle savait que 300 livres ne représentaient même pas le loyer d’un studio en ville ! Elle ouvrit d’ailleurs la bouche pour en faire la remarque à voix haute mais retint ses paroles avant qu’elles franchissent ses lèvres. Mr Culánn venait de dire qu’il ne la ferait pas payer plus cher que les internes – ce qui était déjà illogique en soi – et elle était certaine qu’il trouverait un contre-argument. Comme le fait que le château n’était pas en ville, qu’un studio était plus indépendant ou une ânerie du même genre.
Elle hésita.
Ca lui semblait presque malhonnête. Mais c’était tentant. Et, ce n’était peut-être pas pire que de se faire nourrir, loger et blanchir par Kelly.
Elle soupira à son tour, mais sans se départir de son sourire, et inclina la tête sans quitter des yeux le regard du Directeur.
« D’accord, acquiesça-t-elle. Plus une provision pour les charges. »
Les vieilles demeures et, plus encore, les châteaux étaient de véritables calvaires à chauffer, c’était bien connu. Et le montant desdites charges n’avait plus d’importance à présent ; quel qu’il soit, avec un loyer si peu élevé, il y avait peu de risque que la somme globale soit au-dessus de ce qu’elle pouvait se permettre.
Un peu mal à l’aise tout de même, Annabel prit son verre d’eau, plus pour se donner une contenance que par soif. Se faisant, son regard tomba sur l’assiette vide du Directeur. Son verre s’arrêta à mi-chemin de sa bouche, et elle le reposa avant de repousser sa chaise.
« Oh, je suis désolée ! » s’exclama-t-elle tandis que son sourire se teintait d’excuse.
Elle se saisit de l’assiette et franchit en quelques pas la distance qui la séparait de la cuisine. De l’autre côté de la porte, elle adressa un sourire rassurant à sa tante pour lui assurer que tout allait bien, qu’elle avait juste trop discuté avec Mr Culánn et que, s’il n’y avait pas encore d’autres clients, ça ne saurait tarder. Par contre, pas un mot sur le contenu de ladite discussion ne franchit ses lèvres. Kelly ne serait pas facile à convaincre, mais ce n’était pas le moment de s’y essayer. Une seconde plus tard, elle revenait donc dans la salle à manger pour déposer une assiette de ragoût devant son futur employeur.
« Voilà, bon appétit ! Et encore désolée pour le délai. »
Elle ne s’assit pas, cette fois. On ne l’y reprendrait pas.
… et la réponse ne tarda pas. Certes, cette fois, il ne tournait pas autour du pot. Mais c’était tellement… dérisoire. 300 livres ? Vraiment ? C’était complètement ridicule comparé à ce que devait payer les élèves, sans même parler de ce que valait probablement vraiment une chambre dans le château. La jeune femme non plus n’était pas agent immobilier mais elle savait que 300 livres ne représentaient même pas le loyer d’un studio en ville ! Elle ouvrit d’ailleurs la bouche pour en faire la remarque à voix haute mais retint ses paroles avant qu’elles franchissent ses lèvres. Mr Culánn venait de dire qu’il ne la ferait pas payer plus cher que les internes – ce qui était déjà illogique en soi – et elle était certaine qu’il trouverait un contre-argument. Comme le fait que le château n’était pas en ville, qu’un studio était plus indépendant ou une ânerie du même genre.
Elle hésita.
Ca lui semblait presque malhonnête. Mais c’était tentant. Et, ce n’était peut-être pas pire que de se faire nourrir, loger et blanchir par Kelly.
Elle soupira à son tour, mais sans se départir de son sourire, et inclina la tête sans quitter des yeux le regard du Directeur.
« D’accord, acquiesça-t-elle. Plus une provision pour les charges. »
Les vieilles demeures et, plus encore, les châteaux étaient de véritables calvaires à chauffer, c’était bien connu. Et le montant desdites charges n’avait plus d’importance à présent ; quel qu’il soit, avec un loyer si peu élevé, il y avait peu de risque que la somme globale soit au-dessus de ce qu’elle pouvait se permettre.
Un peu mal à l’aise tout de même, Annabel prit son verre d’eau, plus pour se donner une contenance que par soif. Se faisant, son regard tomba sur l’assiette vide du Directeur. Son verre s’arrêta à mi-chemin de sa bouche, et elle le reposa avant de repousser sa chaise.
« Oh, je suis désolée ! » s’exclama-t-elle tandis que son sourire se teintait d’excuse.
Elle se saisit de l’assiette et franchit en quelques pas la distance qui la séparait de la cuisine. De l’autre côté de la porte, elle adressa un sourire rassurant à sa tante pour lui assurer que tout allait bien, qu’elle avait juste trop discuté avec Mr Culánn et que, s’il n’y avait pas encore d’autres clients, ça ne saurait tarder. Par contre, pas un mot sur le contenu de ladite discussion ne franchit ses lèvres. Kelly ne serait pas facile à convaincre, mais ce n’était pas le moment de s’y essayer. Une seconde plus tard, elle revenait donc dans la salle à manger pour déposer une assiette de ragoût devant son futur employeur.
« Voilà, bon appétit ! Et encore désolée pour le délai. »
Elle ne s’assit pas, cette fois. On ne l’y reprendrait pas.
Re: Bon appétit !
Il voyait à son silence que sa stratégie de l’honnêteté avait payé. Elle ne disait rien, que ce soit par politesse ou par hésitation et quand elle ouvrit la bouche, il sut qu’il avait gagné. Jusqu’à bien entendu la fin de la phrase qui le prit par surprise, juste au moment où il savourait déjà une victoire bien méritée. Une provision sur charge. Mais qu’est ce que ça pouvait bien être que ce truc de Ténébreux, encore. Et par surprise en plus. Elle avait l’esprit aussi retors que Toryn. Ne jamais croire qu’une prof de bio n’y connaissait rien en économie. En tout cas, lui, on ne l’y reprendrait plus.
Une provision sur charge. Bien sûr, il comprenait les mots. Il fallait qu'il fasse une estimation des charges qui serait régulée après. En tant que propriétaire, les charges dans une copropo étaient souvent basées sur la présence ou non d'un ascenseur (il n'y en avait pas au château) et puis l'entretien des parties communes et le gardiennage. Le chauffage et l’eau devait probablement faire partie de ceux des locataires puisqu’ils habitaient les lieux. Il avait toujours payé l’électricité à part. Dans le château, cela semblait compliquer à gérer. Elle allait aussi réclamer ça.
Mais qu’est ce que c’étaient que ces gens qui voulaient absolument payer leur logement un bras alors qu’on leur donnait gratuitement ! Il comprenait la fierté mais ça touchait au ridicule là. Et heureusement qu’elle était partie le servir avant qu’il ne laisse percer son agacement.
N’empêche, il allait devoir chiffrer ça aussi. Maintenant qu’il avait joué le tombé du masque, il ne pouvait pas le remettre. Il fallait une somme qui ne soit pas ridicule mais qui ne rende pas le loyer ridicule aussi. Il sourit. Il avait trouvé la faille. Il y en avait toujours une et cette fois comme les autres, c’était son « adversaire » du moment qui la lui avait fournie.
Il la laissa revenir, jouant avec son verre d’eau comme s’il était d’un grand cru et sourit à son assiette de ragout. Tout cela sentait très bon. Il attrapa un morceau de pain, le rompit, en posa un petit bout dans l’assiette et regarda le miracle toujours répété de l’eau (colorée et fumante dans ce cas précis) envahissant petit à petit une substance spongieuse.
Il n’aimait pas la savoir debout. Il n’aimait pas tellement qu’elle s’excuse alors qu’il était coupable. Il n’avait rien contre le fait qu’elle le serve.
« 100 livres. 100 livres en provision sur charge avec un réajustement annuel le premier jour du mois de septembre, est-ce que cela vous convient ? »
Un tiers du loyer lui paraissait beaucoup. Et pourtant, en tout, s’il comptait comme un vrai proprio, à tous les coups elle allait dire que ce n’était pas assez. Il rattrapa son bout de pain, mordit dedans et en apprécia le sel, le gras et les saveurs. Une douce chaleur descendait dans sa gorge, c’était délicieux. Il replongea un morceau. Pas question d’utiliser ses couverts pour le moment, elle l’utiliserait comme excuse pour partir. Déjà, elle ne s’était pas assise. Oh, et puis finalement si. Il prit son couteau, sa fourchette et coupa un morceau de viande.
« Accepterez –vous quelques bras supplémentaires pour votre déménagement ? »
Il avait parlé d’un ton neutre avec une légère moue amusée (dire qu’il pouvait le faire au sens propre – rien qu’à imaginer sa tête en se voyant dotée d’une paire de bras supplémentaire, il avait envie d’essayer) et une vraie question dans son regard pourtant baissé vers son plat. Son frère allait probablement trainer des pieds, râler ou pis encore le charrier mais il avait envie, voilà, d’aider une jeune femme à se faire un petit nid dans la vieille (et moche) demeure familiale. Il venait déjà de l’y attirer presque de force, il n’allait pas non plus l’obliger à se farcir les escaliers. Pas alors qu’on avait des gens parfaitement capables payés à se tourner les pouces en attendant les élèves.
Une provision sur charge. Bien sûr, il comprenait les mots. Il fallait qu'il fasse une estimation des charges qui serait régulée après. En tant que propriétaire, les charges dans une copropo étaient souvent basées sur la présence ou non d'un ascenseur (il n'y en avait pas au château) et puis l'entretien des parties communes et le gardiennage. Le chauffage et l’eau devait probablement faire partie de ceux des locataires puisqu’ils habitaient les lieux. Il avait toujours payé l’électricité à part. Dans le château, cela semblait compliquer à gérer. Elle allait aussi réclamer ça.
Mais qu’est ce que c’étaient que ces gens qui voulaient absolument payer leur logement un bras alors qu’on leur donnait gratuitement ! Il comprenait la fierté mais ça touchait au ridicule là. Et heureusement qu’elle était partie le servir avant qu’il ne laisse percer son agacement.
N’empêche, il allait devoir chiffrer ça aussi. Maintenant qu’il avait joué le tombé du masque, il ne pouvait pas le remettre. Il fallait une somme qui ne soit pas ridicule mais qui ne rende pas le loyer ridicule aussi. Il sourit. Il avait trouvé la faille. Il y en avait toujours une et cette fois comme les autres, c’était son « adversaire » du moment qui la lui avait fournie.
Il la laissa revenir, jouant avec son verre d’eau comme s’il était d’un grand cru et sourit à son assiette de ragout. Tout cela sentait très bon. Il attrapa un morceau de pain, le rompit, en posa un petit bout dans l’assiette et regarda le miracle toujours répété de l’eau (colorée et fumante dans ce cas précis) envahissant petit à petit une substance spongieuse.
Il n’aimait pas la savoir debout. Il n’aimait pas tellement qu’elle s’excuse alors qu’il était coupable. Il n’avait rien contre le fait qu’elle le serve.
« 100 livres. 100 livres en provision sur charge avec un réajustement annuel le premier jour du mois de septembre, est-ce que cela vous convient ? »
Un tiers du loyer lui paraissait beaucoup. Et pourtant, en tout, s’il comptait comme un vrai proprio, à tous les coups elle allait dire que ce n’était pas assez. Il rattrapa son bout de pain, mordit dedans et en apprécia le sel, le gras et les saveurs. Une douce chaleur descendait dans sa gorge, c’était délicieux. Il replongea un morceau. Pas question d’utiliser ses couverts pour le moment, elle l’utiliserait comme excuse pour partir. Déjà, elle ne s’était pas assise. Oh, et puis finalement si. Il prit son couteau, sa fourchette et coupa un morceau de viande.
« Accepterez –vous quelques bras supplémentaires pour votre déménagement ? »
Il avait parlé d’un ton neutre avec une légère moue amusée (dire qu’il pouvait le faire au sens propre – rien qu’à imaginer sa tête en se voyant dotée d’une paire de bras supplémentaire, il avait envie d’essayer) et une vraie question dans son regard pourtant baissé vers son plat. Son frère allait probablement trainer des pieds, râler ou pis encore le charrier mais il avait envie, voilà, d’aider une jeune femme à se faire un petit nid dans la vieille (et moche) demeure familiale. Il venait déjà de l’y attirer presque de force, il n’allait pas non plus l’obliger à se farcir les escaliers. Pas alors qu’on avait des gens parfaitement capables payés à se tourner les pouces en attendant les élèves.
Re: Bon appétit !
Derrière son sourire, les pensées se bousculaient sous le crâne d’Annabel, tandis qu’elle revenait des cuisines avec l’assiette du Directeur et qu’elle la déposait devant lui en s’excusant.
Elle vivait au Prim’House depuis un petit moment maintenant – depuis qu’elle avait été acceptée comme professeur à l’Ecole, en fait – et elle avait donc accueilli pas mal de monde dans la salle du petit restaurant. Même en ne donnant un coup de main à Kelly que le week-end, même en considérant que le petit hôtel-restaurant n’attirait pas autant de clients qu’auparavant, il restait tout de même au cœur de Dunwatch. Elle y avait croisé des têtes amicales, qu’elle connaissait bien à force de passer ses vacances au village, des inconnus de passage, qui ne venaient que chercher le calme d’un petit coin pittoresque pour un court séjour de vacances, et même quelques nouveaux venus qui tâchaient de s’intégrer au petit village en développement. Mais le Mr Culánn ne correspondait à aucune de ces catégories. Il faisait partie de Dunwatch sans vraiment appartenir au village. Et il était le seul à lui avoir fait oublier ce métier qu’elle s’efforçait d’apprendre depuis deux mois et d’exercer deux jours par semaines.
En même temps, il fallait reconnaître qu’il était également le seul à l’avoir déstabilisée. Un logement – une suite – au Château. Rien que ça. Et pour rien, en plus. Parce que ce n’était pas les malheureuses 300 livres qu’il proposait comme loyer qui y changeaient grand-chose. Et Annabel se sentait aussi tentée – voire plus, le Château, quoi ! – et aussi embêtée que lorsque sa tante lui avait offert de s’installer dans la grande chambre du deuxième étage en refusant tout paiement. Au moins avait-elle trouvé sans trop de mal comment aider Kelly en échange et, même si ça ne valait probablement pas ce que sa tante lui apportait, elle savait au moins qu’elle lui était utile. Alors qu’elle n’était pas stupide au point d’imaginer être utile en quoi que ce soit à Mr Culánn. Elle n’avait, bien sûr, aucune connaissance de l’état de ses finances, mais elle était au courant des rumeurs qui circulaient au village et assez observatrice pour se rendre compte qu’il n’avait probablement pas besoin de ce loyer.
Et elle était suffisamment honnête envers elle-même pour réaliser qu’elle se sentait un brin vexée d’accepter une faveur qu’elle ne pourrait jamais rendre. Tout en étant heureuse de l’accepter, parce qu’elle n’aurait jamais imaginé y avoir droit un jour.
Malgré tout, la biologiste ne put empêcher son sourire de gagner en chaleur en observant son futur employeur et propriétaire jouer avec son pain et la sauce qui accompagnait le ragoût. Maintenant qu’elle était debout, il était plus facile de regarder ses mains, et ne pas croiser le regard vert lui permettait de remettre de l’ordre dans ses pensées sans difficulté. Elles étaient donc claires quand le Directeur reprit la parole et Annabel reporta son attention sur son visage pour lui répondre, sans hésiter. Après tout, elle n’avait aucune idée de ce que devait valoir les charges dans une telle demeure… et elle s’était presque résolue à ne pas apporter grand-chose.
« Très bien, acquiesça donc la jeune femme. Vous êtes néanmoins conscient que la totalité ne représente même pas le loyer d’un studio en ville ? »
Presque. Elle avait posé sa question tranquillement, sur le même ton qu’elle aurait utilisé pour lui demander s’il voulait un peu plus de pain, mais elle n’avait pas pu se retenir. Elle se doutait que ça ne changerait rien. Et elle savait qu’elle accepterait de déménager. De toute façon, elle n’avait pas de raison de refuser : un coin d’orgueil froissé n’était pas une excuse suffisante, comparé à la tentation et à la curiosité. Et Mr Culánn devait en être arrivé à la même conclusion, quoique peut-être pas par le même chemin, si on se fiait à sa proposition suivante. Proposition qui fit pétiller les yeux d’Annabel d’amusement.
« Je n’ai que quelques valises avec moi, vous savez. Je devrais être capable de les mettre dans le coffre de ma voiture toute seule. Mais merci. »
Trois valises, un sac dos et un ordinateur, c’était dans ses cordes. Surtout avec une voiture garée devant la porte. Et du temps libre à ne savoir qu’en faire, ce que le Directeur ne devait pas avoir en très grande quantité, lui. Raison pour laquelle, la jeune femme lui offrit un sourire sincère en remerciement de sa proposition, même si elle n’avait pas la moindre intention de l’accepter.
« Et il reste une semaine entière avant la rentrée. Plus de temps qu’il ne m’en faut pour aller chercher des meubles si besoin. »
Elle ne savait pas si la chambre qu’on lui proposait serait meublée ou non. Elle n’y connaissait rien en château mais les deux hypothèses lui paraissaient aussi probables l’une que l’autre : vue la taille de la bâtisse, ça paraissait impensable que certaines pièces ne soient pas vide mais, en même temps, vues les générations de Culann qui avaient dû s’y succéder, elles pouvaient très bien être toutes pleines… Quoi qu’il en soit, elle s’adapterait. Elle n’allait pas faire la difficile en plus. Surtout que tout ce dont elle pourrait avoir besoin se trouvait dans la cave de ses parents… sauf peut-être son frère à réquisitionner. Mais il ne râlerait presque pas, elle en était certaine.
Elle vivait au Prim’House depuis un petit moment maintenant – depuis qu’elle avait été acceptée comme professeur à l’Ecole, en fait – et elle avait donc accueilli pas mal de monde dans la salle du petit restaurant. Même en ne donnant un coup de main à Kelly que le week-end, même en considérant que le petit hôtel-restaurant n’attirait pas autant de clients qu’auparavant, il restait tout de même au cœur de Dunwatch. Elle y avait croisé des têtes amicales, qu’elle connaissait bien à force de passer ses vacances au village, des inconnus de passage, qui ne venaient que chercher le calme d’un petit coin pittoresque pour un court séjour de vacances, et même quelques nouveaux venus qui tâchaient de s’intégrer au petit village en développement. Mais le Mr Culánn ne correspondait à aucune de ces catégories. Il faisait partie de Dunwatch sans vraiment appartenir au village. Et il était le seul à lui avoir fait oublier ce métier qu’elle s’efforçait d’apprendre depuis deux mois et d’exercer deux jours par semaines.
En même temps, il fallait reconnaître qu’il était également le seul à l’avoir déstabilisée. Un logement – une suite – au Château. Rien que ça. Et pour rien, en plus. Parce que ce n’était pas les malheureuses 300 livres qu’il proposait comme loyer qui y changeaient grand-chose. Et Annabel se sentait aussi tentée – voire plus, le Château, quoi ! – et aussi embêtée que lorsque sa tante lui avait offert de s’installer dans la grande chambre du deuxième étage en refusant tout paiement. Au moins avait-elle trouvé sans trop de mal comment aider Kelly en échange et, même si ça ne valait probablement pas ce que sa tante lui apportait, elle savait au moins qu’elle lui était utile. Alors qu’elle n’était pas stupide au point d’imaginer être utile en quoi que ce soit à Mr Culánn. Elle n’avait, bien sûr, aucune connaissance de l’état de ses finances, mais elle était au courant des rumeurs qui circulaient au village et assez observatrice pour se rendre compte qu’il n’avait probablement pas besoin de ce loyer.
Et elle était suffisamment honnête envers elle-même pour réaliser qu’elle se sentait un brin vexée d’accepter une faveur qu’elle ne pourrait jamais rendre. Tout en étant heureuse de l’accepter, parce qu’elle n’aurait jamais imaginé y avoir droit un jour.
Malgré tout, la biologiste ne put empêcher son sourire de gagner en chaleur en observant son futur employeur et propriétaire jouer avec son pain et la sauce qui accompagnait le ragoût. Maintenant qu’elle était debout, il était plus facile de regarder ses mains, et ne pas croiser le regard vert lui permettait de remettre de l’ordre dans ses pensées sans difficulté. Elles étaient donc claires quand le Directeur reprit la parole et Annabel reporta son attention sur son visage pour lui répondre, sans hésiter. Après tout, elle n’avait aucune idée de ce que devait valoir les charges dans une telle demeure… et elle s’était presque résolue à ne pas apporter grand-chose.
« Très bien, acquiesça donc la jeune femme. Vous êtes néanmoins conscient que la totalité ne représente même pas le loyer d’un studio en ville ? »
Presque. Elle avait posé sa question tranquillement, sur le même ton qu’elle aurait utilisé pour lui demander s’il voulait un peu plus de pain, mais elle n’avait pas pu se retenir. Elle se doutait que ça ne changerait rien. Et elle savait qu’elle accepterait de déménager. De toute façon, elle n’avait pas de raison de refuser : un coin d’orgueil froissé n’était pas une excuse suffisante, comparé à la tentation et à la curiosité. Et Mr Culánn devait en être arrivé à la même conclusion, quoique peut-être pas par le même chemin, si on se fiait à sa proposition suivante. Proposition qui fit pétiller les yeux d’Annabel d’amusement.
« Je n’ai que quelques valises avec moi, vous savez. Je devrais être capable de les mettre dans le coffre de ma voiture toute seule. Mais merci. »
Trois valises, un sac dos et un ordinateur, c’était dans ses cordes. Surtout avec une voiture garée devant la porte. Et du temps libre à ne savoir qu’en faire, ce que le Directeur ne devait pas avoir en très grande quantité, lui. Raison pour laquelle, la jeune femme lui offrit un sourire sincère en remerciement de sa proposition, même si elle n’avait pas la moindre intention de l’accepter.
« Et il reste une semaine entière avant la rentrée. Plus de temps qu’il ne m’en faut pour aller chercher des meubles si besoin. »
Elle ne savait pas si la chambre qu’on lui proposait serait meublée ou non. Elle n’y connaissait rien en château mais les deux hypothèses lui paraissaient aussi probables l’une que l’autre : vue la taille de la bâtisse, ça paraissait impensable que certaines pièces ne soient pas vide mais, en même temps, vues les générations de Culann qui avaient dû s’y succéder, elles pouvaient très bien être toutes pleines… Quoi qu’il en soit, elle s’adapterait. Elle n’allait pas faire la difficile en plus. Surtout que tout ce dont elle pourrait avoir besoin se trouvait dans la cave de ses parents… sauf peut-être son frère à réquisitionner. Mais il ne râlerait presque pas, elle en était certaine.
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